Les syndicats d'internes portent plainte contre 28 CHU pour non-respect du temps de travail

Le 28 novembre dernier, les syndicats d'internes en médecine et en pharmacie ont décidé de mettre leurs menaces à exécution : 28 plaintes ont été déposées à l'encontre des centres hospitaliers universitaires (CHU) pour faire respecter le décompte du temps de travail des jeunes praticiens.
Depuis cet été, la justice commence à mettre le nez dans le respect du temps de travail des internes. Et pour cause, comme le montrent les enquêtes des syndicats étudiants, les internes estiment travailler, en moyenne, 58 heures par semaine, au lieu des 48 heures maximum autorisées.
L'ISNI (intersyndicale nationale des internes), l'ISNAR-IMG (intersyndicale représentant les internes en médecine générale) et la FNSIP-BM (fédération nationale des syndicats d'internes en pharmacie et biologie médicale), les trois représentants des internes de médecine et de pharmacie ont décidé "d'attaquer les 28 CHU de France en justice pour que le droit du travail des internes soit enfin respecté".
Mesurer le temps de travail des internes, une obligation
"Soit les centres hospitaliers ne mesurent pas le temps de travail, ou quand ils le font, c'est mal calculé ou les heures ne sont jamais récupérées", estime Théophile Denise, premier vice-président de l'ISNAR-IMG.
Le combat avait commencé il y a déjà plusieurs années et s'était officialisé en novembre 2020, lorsque trois syndicats, dont l'ISNI, ont saisi le Conseil d'État. Le 22 juin 2022, l'institution a confirmé l'obligation des établissements de santé de garantir le respect du temps de travail des internes, en se dotant notamment d'une dispositif "fiable, objectif et accessible" pour décompter les heures de travail effectuées.
S'en est suivi la publication d'un arrêté le 4 août dernier précisant la mise en place d'un relevé mensuel (et non plus trimestriel) des obligations de service avec une vérification tous les trois mois. Cette vigilance devant être assurée par la Commission de l'organisation de la permanence des soins.
Autant de décisions qui "arrangent" les syndicats d'internes, comme le confirme Théophile Denise. "En parallèle, fin juillet, nous avons lancé une mise en demeure de 400 établissements de santé (centres hospitaliers et CHU) pour les informer sur le droit du travail. Cela a eu un impact sur les petits centres hospitaliers qui se sont mis à faire des tableaux de service, ou dans les CHU qui ont créé des commissions médicales. Un quart des établissements nous ont répondu positivement nous informant que des réflexions étaient lancées", confirme-t-il.
Les 28 CHU dans le viseur
D'autant qu'il y a urgence : épuisement, idées suicidaires, troubles dépressifs, tentatives de suicide voire suicide, le mal-être des internes est flagrant. "Il y a un désinvestissement total vis-à-vis des risques psycho-sociaux : lorsqu'il y a un suicide, les hôpitaux estiment que ce n'est pas à cause de l'organisation du travail mais parce que l'étudiant avait des prédispositions, avance Théophile Denise.
Avoir des témoignages d'internes pour préparer les argumentaires
En attendant, les arguments se préparent et les dossiers se remplissent. "Nous manquons de témoignages publics d'internes. C'est difficile de s'exposer parce que ce n'est pas dans les mœurs : on nous demande d'être au service des patients, il y a cette idée ancrée du médecin qui travaille non-stop, surtout s'il est jeune, sinon, on est vu comme un mauvais médecin. Et ça, je l'ai entendu depuis ma troisième année de médecine", constate Théophile Denise.
Pour les protéger, les syndicats privilégient les témoignages du dernier semestre (entre mai et octobre 2022). "On est sûr qu'ils ne retourneront pas dans ces services, ils peuvent parler sans risque." Plus qu'une plainte, c'est une volonté de changer tout un système qui est donc mis en marche.