Sur l’écran, une liste des bibliothèques situées à proximité du détenteur du smartphone apparaît. À côté du nom de l’établissement, une barre horizontale donne en temps réel son taux d’occupation. 15 %, 75 %, 100 %... De quoi permettre à l’utilisateur de diriger ses pas vers la bibliothèque où les places libres lui sont assurées.
Créée en 2014, l’application Affluences permet, comme son nom l’indique, de visualiser l’affluence de lieux publics en temps réel. Sur les 200 établissements actuellement recensés, 80 % sont des BU (bibliothèques universitaires). Le reste ? Des bibliothèques municipales, mais aussi des restaurants Crous, depuis peu. 40 % sont situés à Paris, les autres en régions.
"En tant qu’étudiants, nous avons tous expérimenté les files d’attente à l’entrée des BU", sourit Paul Bouzol, ingénieur diplômé de Télécom Lille. Le cofondateur d’Affluences a installé les bureaux de son entreprise en plein cœur de la BNF (bibliothèque François-Mitterrand), quelques mètres au-dessus de l’une des immenses salles de lecture de l’établissement.
la BPI et Paris 4, premiers partenaires
Si la BNF est aujourd’hui l’un des partenaires privilégiés de la start-up, c’est la BPI (bibliothèque publique d’informations), autre institution parisienne, qui a joué le rôle de catalyseur, à la création de l’entreprise. "En mai 2014, nous leur avons présenté notre prototype", raconte Paul Bouzol. Il est alors ingénieur dans une société de conseil et travaille sur son projet durant son temps libre. La BPI est séduite et devient quelques mois plus tard le premier partenaire d’Affluences. Elle est très vite rejointe par l’université Paris 4, premier établissement d’enseignement supérieur à utiliser le service.
"Lorsque nous avons rencontré l’équipe d’Affluences, début 2015, nous réfléchissions à la réorganisation de nos bibliothèques, se souvient Clothilde Zur Nedden, directrice du service commun de documentation à Paris 4. Nous cherchions un service innovant, nous permettant à la fois de réaménager nos sites (cinq bibliothèques université et 25 bibliothèques d’UFR) tout en améliorant l'accueil des usagers. De plus, nous n’avions pas de dispositif nous permettant de piloter leur fréquentation. Nous voulions une réponse simple à cette question simple. Travailler avec une start-up nous a permis d’aller vite, dans un milieu où nous pouvons passer trois ans à réaliser un cahier des charges…"
Capteurs et algorithmes prédictifs
Fin 2015, Paris 4 s'équipe donc d'Affluences. Et peut désormais connaître, au quotidien, la fréquentation de ses BU. Pour délivrer en temps réel ces informations, Affluences installe des capteurs à l’entrée des établissements. Une sorte de barrière virtuelle dotée d’une carte SIM, qui comptabilise toutes les entrées et les sorties et les rapporte à la jauge du site pour disposer du taux d’occupation. Dans les infrastructures déjà équipées de contrôles d’accès à l’entrée des salles, l’application se connecte directement au serveur existant.
Les données récupérées sont ensuite analysées, traitées et mises à la disposition des établissements sur leur portail personnel d'administration. Ils peuvent ainsi directement configurer les horaires d'ouverture, les mises à jour (une bibliothèque exceptionnellement fermée pour travaux, par exemple) et même intégrer ces informations sur leur propre site web.
La start-up propose également une prédiction de la fréquentation des sites. Grâce à l’historique de l’affluence mais aussi à l’analyse des heures de consultations de la fiche des bibliothèques sur l’application, un algorithme d’analyse prédictive est en mesure de prévoir les pics de visites, par tranche de 30 minutes. "Plus on a de données, plus la prévision est précise", détaille Grégoire Tabard, en charge de la commercialisation du service.
Une aide à la décision pour les établissements
Si l’application a été conçue en premier lieux pour les utilisateurs, elle permet également aux établissements de valoriser leur patrimoine bibliothécaire, en faisant découvrir au public des petites structures dont il est peu familier. Et ainsi, de mener une politique de régulation des flux plus efficace. "Notre objectif est d'adapter le règlement d’accès aux bibliothèques en fonction des flux constatés, appuie Clothilde Zur Nedden. Pourquoi, par exemple, ne pas limiter durant les grandes périodes d’affluence l’accès de nos bibliothèques aux seuls étudiants de Sorbonne Universités ?"
Notre objectif est d'adapter le règlement d’accès aux bibliothèques en fonction des flux constatés.
(C. Nur Zedden)
Une réflexion partagée par Pauline Innegraeve, adjointe au responsable du département accueil de Lilliad : "Les données recueillies sont encore à affiner, mais l’application pourra nous servir à réfléchir à des horaires élargis, par exemple." Le learning center de l’université Lille 1 utilise également Affluences pour l’un des autres services proposés par l’application : la réservation de ses 50 salles de réunion, ouvertes aux seuls étudiants de Lille 1.
Des bibliothèques... aux piscines municipales
Gratuite pour les utilisateurs, Affluences l’est aussi pour les établissements qui souhaitent inscrire leur(s) bibliothèque(s) sur l’application (environ 10 % des clients actuels). Pour se financer, la start-up propose donc des services "en plus", facturés, à l’image de la réservation de salles. Le coût moyen de l’abonnement est de 1.000 euros par an et peut grimper à plusieurs milliers d'euros selon l'ampleur des services demandés. Ce qui permet à l’entreprise de s’autofinancer. En 2016, son chiffre d’affaires était de 250.000 euros. Soit deux fois plus que l’année précédente.
"En France, il existe environ 5.000 bibliothèques", souligne Grégoire Tabard. De quoi permettre à la start-up de développer encore son marché. D’autant plus qu’elle est sollicitée par de nouveaux acteurs depuis peu. Les restaurants Crous ont rejoint la liste de ses clients, tout comme certains musées, des services administratifs – la mairie d’Issy-les-Moulineaux utilise Affluences pour ses services d’état civil... Ou encore des piscines. De quoi faire plonger les EdTech dans le grand bain !
- Maskott joue la carte du tactile (février 2017)
- Utellme connecte de manière sécurisée les établissements à travers le monde (février 2017)
- Impala met les algorithmes au service de l’orientation (janvier 2017)
- Didask mêle neurosciences et algorithme pour un apprentissage personnalisé (décembre 2016)
- WAP, une méthode d’apprentissage par les pairs inventée à l’EM Lyon (décembre 2016)
- Pédagogie par projet : Waza Education joue les entremetteuses (décembre 2016)