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Lutte contre la fraude scientifique : le retard français

Martin Clavey Publié le
Lutte contre la fraude scientifique : le retard français
Pierre Corvol propose de mettre en place une formation à l'intégrité scientifique lors du doctorat. // ©  Lydie Lecarpentier / R.E.A
Pierre Corvol a remis à Thierry Mandon son rapport sur l'intégrité scientifique. Seize propositions pour harmoniser et amplifier les pratiques des organismes de recherche et des universités.

Depuis quelques années, la fraude scientifique, des manipulations de données et du plagiat dans la recherche font régulièrement l'actualité. Dans un rapport faisant 16 propositions pour renforcer l'intégrité scientifique en France remis ce mercredi à Thierry Mandon, Pierre Corvol, professeur honoraire au Collège de France, souligne en creux le retard des institutions françaises sur le sujet par rapport à leurs homologues européennes et américaines.

Le constat général du rapporteur est cinglant : la France manque d'une harmonisation nationale de sa politique d'intégrité scientifique.

Des pratiques très disparates

Cette harmonisation des pratiques au niveau national est au centre du rapport de Pierre Corvol. Il préconise notamment d'établir une nomenclature nationale des inconduites et un vade-mecum juridique national des typologies de sanctions. Selon le rapporteur, "un engagement politique est nécessaire" pour que cette harmonisation existe. Thierry Mandon a souligné que la commande de ce rapport était la preuve de cet engagement.

Les différents organismes de recherche et universités ont en effet des pratiques très disparates sur le sujet. Quelques-uns (Inserm, Inra, Inria et BRGM) ont une structure dédiée à l'intégrité scientifique mais la plupart n'ont pas encore fait le pas.

Dans les universités, aucun personnel n'est dédié à ce sujet la plupart du temps, "l'essentiel de cette charge est assuré par des anciens chercheurs bénévoles", constate Pierre Corvol.

Avec une difficulté : la médiatisation des sanctions. Pierre Corvol explique que "la plupart des chefs d'établissement déclarent vouloir éviter de rendre public le résultat des investigations et les sanctions prononcées". Mais le rapporteur n'a pas de position claire sur le sujet. Le monde académique français reste apparemment très frileux en ce qui concerne les fraudes, même avérées, et préfère, si c'est possible, laver son linge sale en famille.

Pour rassembler l'expertise sur le sujet et renforcer les liens institutionnels que ce soit entre les divers organismes nationaux aussi bien que vers l'international, le professeur préconise de créer un Office français d'intégrité scientifique.

Inscrire l'intégrité scientifique dans la formation des chercheurs

Pierre Corvol insiste sur le manque de formation à l'intégrité scientifique et notamment en thèse. D'ailleurs, le nouvel arrêté sur le doctorat publié il y a quelques semaines reprend déjà les propositions du rapporteur ajoutant aux fonctions des écoles doctorales la formation à l'intégrité scientifique des doctorants.

Le rapporteur pousse aussi à ce que les jurys de HDR vérifient plus profondément les connaissances des pratiques d'intégrité.

Conditionner le financement à une politique d'intégrité scientifique

Pour inciter fortement les institutions scientifiques françaises à s'occuper de ces questions, Pierre Corvol propose de s'inspirer des mesures déjà prises par les agences européennes de recherche, en conditionnant les financements publics, notamment ceux de l'ANR, à l'existence d'une politique d'intégrité scientifique des établissements dont dépendent les projets. Une politique de la carotte et du bâton que le rapporteur espère fructueuse.

La recherche française privée, en dehors des radars
L'intégrité de la recherche privée est un des angles morts du rapport de Pierre Corvol. Si les différentes structures de recherche publiques ont été contactées, aucune entreprise privée publiant des articles scientifiques n'a reçu de questionnaire. 156.600 chercheurs (ETP) exercent pourtant en France leur métier dans le privé, selon le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche lui-même.

Martin Clavey | Publié le