Qui pourra sélectionner, et comment ? Les universités attendent encore les éléments de cadrage du ministère sur "'la' liste des formations sélectives en master 2". Une liste que Najat Vallaud-Belkacem a promise "très limitative", lors d'un débat à l'Assemblée nationale sur la Stranes (Stratégie nationale de l'enseignement supérieur), mercredi 17 février. Le décret qui doit permettre de "sécuriser la situation des universités et des étudiants", doit sortir en avril, afin que la rentrée 2016 ne soit pas perturbée.
Mais pour les présidents d'université, cette liste ne résoudra pas la question de la sélection en master. "Halte à l'hypocrisie, la sélection en master existe, assumons-la !" écrit la CPU dans un communiqué, le 18 février 2016.
Et demande "la mise en place d'une orientation renforcée et d'une possibilité de sélection dès l'entrée dans le cycle master", tout en précisant que "certaines disciplines pourront conserver, dans des conditions qui doivent être sécurisées juridiquement, une sélection entre M1 et M2, pour des raisons d’examens professionnels et concours, ou des exigences liées à certaines professions réglementées, en particulier."
Rouvrir le débat sur la sélection en master 1
Les présidents proposent également la "mise en place d'une 'bourse' nationale des formations en masters entre le L3 et le M1, pour mettre en adéquation l'offre et la demande. L'examen des flux montre que ce système peut permettre de donner à chaque étudiant une place pour poursuivre ses études à l'université."
"Nous devrions aider les étudiants en L3 à s'orienter, la poursuite en master ne doit pas être automatique", juge ainsi François Germinet, le président de l'université Cergy-Pontoise.
Même son de cloche à Strasbourg. "Il faudra réfléchir à ce que le goulot d'étranglement qui existe aujourd'hui entre le M1 et le M2 se fasse à l'entrée du M1", insiste Alain Beretz, président de l'Unistra.
Arrêtons de prendre peur au mot sélection.
(F. Germinet)
une liste qui inquiète
En l'absence du cadrage sur "'la' liste des formations sélectives en master 2", l'incertitude sur les formations qui seront jugées sélectives rend en effet les présidents nerveux. "Arrêtons de prendre peur au mot sélection, tout le monde sélectionne, Sciences po, les écoles d'ingénieurs... Si l'on permet seulement à quelques universités de sélectionner, il y a des risques qu'une ligne de front se crée entre les universités sélectives et les universités non sélectives", s'agace François Germinet.
Et de prendre pour exemple : "La moitié des masters de l'université de Cergy s'effectuent en apprentissage. Ces places d'apprentis sont financées par la région Île-de-France. De fait, ils sont sélectifs, car les capacités d'accueils sont limitées."
"Les laboratoires ne sont pas extensibles, et nous voulons que la qualité d'encadrement soit la même", appuie Alain Beretz pour qui les masters en sciences expérimentales ne peuvent accueillir tout le monde. Le président de l'université de Strasbourg en est convaincu, "la liste des M2 sélectifs ne sera qu'une procédure de sauvegarde de l'existant. Il s'agit de se mettre d'équerre avec la réglementation actuelle et l'avis du Conseil d'État."
D'autant que si le décret est trop limitatif, les enseignants auront la tentation de noter plus durement en fin de M1 pour empêcher le passage en M2. "Il est tout à fait possible que les collègues durcissent les jurys de fin de master 1 et pratiquent ainsi une sélection", redoute François Germinet.
"La sélection généralisée à l’entrée du master 1 n'est pas une option souhaitable", a d'ores et déjà affirmé Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche. Un an avant l'élection présidentielle, le débat sur la sélection en M1 pourrait devenir un sujet politiquement explosif.