Complexe", "lourde", "longue"... Les critiques pleuvent sur la procédure permettant d'exercer son droit à la poursuite d'études en master, après une "rentrée test" un peu chaotique pour la sélection à l'entrée en M1. En effet, pour la première fois, en 2017, les universités peuvent choisir leurs étudiants en M1 en contrepartie d'un droit à la poursuite d'études pour les titulaires d'une licence, qu'ils peuvent faire valoir en saisissant le recteur. "Nous avons de vrais problèmes pour que la réforme soit appliquée. J'ai le cas d'un étudiant qui attend une réponse depuis un mois", rappelle Lilâ Le Bas, la présidente de l'Unef.
Le 4 octobre 2017, l'organisation étudiante s'est rassemblée devant le ministère de l'Enseignement supérieur pour alerter sur les "recalés" de la procédure. Et en profiter pour y déposer 250 dossiers toujours en attente d'une réponse.
"Les recteurs nous ont confirmé qu'ils les traitaient. C'est la première année que ce dispositif existe. Des ajustements seront nécessaires pour que la rentrée suivante se passe mieux", concède Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, lundi 9 octobre 2017, sur BFM.
Une phase de rodage
Concrètement, plus de 2.200 étudiants ont enclenché la procédure pour faire appliquer leur droit à la poursuite d'études. Les rectorats ont résolu 1.400 dossiers, les autres sont en cours de traitement. "La procédure a pris du temps avec la pause estivale", relève la ministre.
Des couacs à mettre sur le compte d'une période de rodage ? "Il faut tirer les conséquences de cette première phase, sans jeter la réforme avec l'eau du bain", prévient Jimmy Losfeld, le président de la Fage. Selon lui, "les acteurs n'ont pas joué le jeu, que ce soient les rectorats ou les universités". "Il n'y a pas eu réellement d'information sur le droit à la poursuite d'études. Encore aujourd'hui, je reçois des coups de fil d'étudiants qui ne savent pas quoi faire", souligne-t-il.
Pour la CPU, des dossiers incomplets
Un argument réfuté par la CPU (Conférence des présidents d'université). "La communication a été faite, mais il fallait prendre le temps d'établir le système de recrutement dans les universités, ainsi que la procédure et les critères à l'entrée" du master, pointe François Germinet, président de la commission formation et insertion professionnelle de la CPU.
Autre problème : des "dossiers incomplets" transmis par les étudiants. "Ils n'avaient pas l'obligation de fournir leurs notes. Beaucoup se sont contentés des données minimales. Pourtant, le responsable du master se décide en tenant compte de certaines notes, selon la coloration du parcours visé", ajoute-t-il. Une situation qui "a engendré beaucoup de refus et de frustration de part et d'autre".
Ce qui est compliqué, c'est que ce sont les recteurs qui proposent les affectations. Or, les places sont dans les universités.
(F. Vidal)
Simplifier la procédure...
"Ce qui est compliqué, c'est que ce sont les recteurs qui proposent les affectations. Or, les places sont dans les universités. Ce qu'il faut régler, c'est la coordination entre les recteurs et les présidents d'université et celle entre ces derniers et les responsables de formation de master", juge la ministre sur BFM. Frédérique Vidal évoque ainsi la lourdeur "d'un parcours complexe".
Pour Lilâ Le Bas, les améliorations dans la procédure sont à rechercher du côté du rectorat. "Le recteur doit être un régulateur : il faut qu'il puisse imposer ses décisions aux universités qui ne souhaiteraient pas augmenter les places en master pour accueillir ces étudiants." De son côté, la Fage réitère son souhait de voir la plate-forme "Trouvermonmaster.gouv.fr" gérer également les vœux des étudiants. "Pour que ce droit soit effectif, le dépôt de candidatures doit être centralisé sur la plate-forme. Que tout passe par le téléservice", complète Jimmy Losfeld.
... Et revoir son tempo
"Je ne suis pas sûr que l'on puisse faire beaucoup mieux pour alléger la procédure, mais le calendrier peut être amélioré", estime François Germinet, notamment en avançant les jurys de licence avant l'été, de façon à faire "des retours complets" aux étudiants en juillet.
"Le préalable à l'entrée en master est l'obtention de la licence mais certains étudiants la valident en juin, d'autres en septembre", appuie le président de Cergy-Pontoise. Réunir tous les jurys à la même date permettrait ainsi d'éviter qu'un "étudiant qui reçoit des retours négatifs en juin puisse saisir le recteur quand d'autres devront attendre la rentrée."
Pour l'Unef et la Fage, revoir le planning de la procédure signifie également donner plus de temps aux étudiants pour saisir le recteur. "Les délais sont trop courts", regrette Jimmy Losfeld.
Tous les étudiants n'ont pas vocation à poursuivre en master. Les universités devront faire un travail d'orientation dès la licence.
(F. Germinet)
Quid des étudiants recalés ?
En attendant ces futurs ajustements, les acteurs s'organisent pour examiner l'ensemble des dossiers. "Une solution sera trouvée pour cette année. Nous transmettons tous les dossiers au ministère", assure Jimmy Losfeld. Depuis septembre, certains masters ont ainsi "rouvert des formations, ce qui permet aux rectorats et universités de proposer encore des places aux étudiants", affirme Frédérique Vidal.
Abdoulaye Diarra, vice-président de l'Unef, est moins optimiste : "Ces étudiants sortiront du système ou prendront une place en M1 qui ne leur conviendra pas, en attendant de trouver mieux en M2 ou en retentant leur chance l'année suivante." "Tous les étudiants n'ont pas vocation à poursuivre en master. Les universités devront faire un travail d'orientation dès la licence, pour voir si ceux-ci continuent en master ou s'orientent vers un parcours professionnel", objecte François Germinet.
Des axes de travail pourraient être le développement la formation tout au long de la vie, afin de laisser la possibilité aux étudiants de revenir à l'université après un premier passage dans la vie active. Voire de valider des modules en parallèle de leur activité professionnelle. Une réflexion qui s'engagerait alors que la pression démographique en L3 se reportera l'an prochain sur le master. Risquant de complexifier davantage l'application du droit à la poursuite d'études.