Nous prenons le sujet de la sélection en master à bras-le-corps", assure Najat Vallaud-Belkacem, qui accuse la droite de n'avoir rien fait "depuis 14 ans". "Les tentatives des gouvernements de droite d'imposer la sélection ont toutes échoué", insiste la ministre lors de sa conférence de presse de rentrée, mardi 20 septembre 2016, elle qui souhaite mettre en place une réforme pour la rentrée 2017 et aboutir à un compromis "en octobre".
À huit mois de l'élection présidentielle, la ministre espère bien mettre à son actif une telle réforme. Outre le fait qu'il s'agirait du dernier grand chantier du quinquennat dans l'enseignement supérieur, la sélection en master est un sujet particulièrement clivant entre la droite et la gauche : tant Alain Juppé que Nicolas Sarkozy s'affichent clairement en faveur d'une sélection à l'entrée du cycle et une proposition de loi allant dans ce sens a récemment été déposée par le sénateur UDI du Calvados, Jean-Léonce Dupont.
"La question n'est pas la sélection ou l'absence de sélection", assure pourtant Najat Vallaud-Belkacem, qui prend soin d'éviter ce mot. Elle estime qu'aucune réforme ne pourra passer, quel que soit le gouvernement, sans un compromis. "En mettant tout le monde autour de la table, nous sommes beaucoup plus exigeants et ambitieux que cela", estime-t-elle. Tout en martelant sa volonté de mettre en place un "droit à la poursuite d'études".
tous les acteurs autour de la table
La fenêtre de tir pour faire voter une loi est néanmoins réduite et les délais semblaient jusqu'à présent difficiles à tenir, puisque la CPU (Conférence des présidents d'université), farouchement opposée à un "droit des étudiants à poursuivre en master", avait quitté les négociations.
Ce n'est désormais plus le cas. Najat Vallaud-Belkacem a en effet indiqué que "tous les acteurs [étaient] autour de la table". Ce que confirme Gilles Roussel, président de la commission "formation" de la CPU et président de l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée.
Si la CPU ne s'oppose donc plus par principe au "droit à la poursuite d'études", la négociation sur les conséquences d'un tel droit pour les universités est en cours. "Nous souhaitons une obligation de moyens, pas de résultats..." indique Gilles Roussel. Autrement dit, "si l'étudiant n'obtient pas le master désiré, l'université pourrait lui proposer un autre master ou l'accompagner vers l'insertion professionnelle..."
Nous ne sommes pas loin d'aboutir à une position commune.
(G. Roussel)
Et de préciser : "Les universités doivent pouvoir subordonner l'entrée en master à plusieurs critères (capacités d'accueil, dossier de l'étudiant...), mais nous avons l'impression que les choses vont dans le bon sens. Nous ne sommes pas loin d'aboutir à une position commune", indique-t-il à EducPros. "Il nous faut trouver une solution rapidement et l'entériner dans le cadre de la loi, poursuit-il. C'est dans l'intérêt de la droite et de la gauche de mettre ce sujet derrière nous."
Revenant sur le compromis à trouver, la ministre a rappelé qu'il devra concilier "la capacité des universités à recruter en fonction du niveau pédagogique attendu, du nombre de places et du projet personnel de l'étudiant" d'une part, et "le droit des étudiants à poursuivre les études", d'autre part.
L'UNEF REFUSE TOUTE MOBILITé FORCéE des étudiants
Les avancées opérées par les présidents d'université risquent cependant de ne pas être suffisantes pour l'Unef. Lilâ Le Bas, future présidente de l'organisation étudiante, liste les trois critères nécessaires pour que ce droit soit "réel et effectif".
Tout d'abord, chaque étudiant devra bénéficier d'"au moins une proposition de master dans son établissement d'origine", l'Unef rejetant toute mobilité forcée. Un travail devra aussi être mené pour définir les poursuites d'études entre licences et masters. Enfin, Lilâ Le Bas souhaite que ce droit de poursuite d'études soit garanti par le recteur d'académie.
Le Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) du mardi 20 septembre 2016 a d'ailleurs adopté à la quasi-unanimité (23 pour, 2 contre) une motion présentée par l'Unef, le Sgen et la FSU réaffirmant "un droit à la poursuite d'études de tous les titulaires d'une licence." Tous les acteurs ont encore quelques semaines pour se mettre d'accord.
Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, a également présenté des mesures visant à "préparer l'avenir". Il annonce "un élargissement de la politique de sites aux établissements d'enseignement supérieur des autres ministères." Concrètement, un pilotage interministériel de suivi des sites pourrait être instauré ainsi qu'une cosignature des contrats de site.
Dès 2017, certaines Comue pourraient également accéder aux responsabilités et compétences élargies et, dans ce cadre, l'allocation des moyens au niveau des sites pourra être expérimentée. Enfin, en novembre sera remis un livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche, rédigé par un comité présidé par Bertrand Monthubert, ancien président de l'université Toulouse 3 Paul-Sabatier et président de Campus France.
Ce plan donnera "une vision pluriannuelle sur l'enseignement supérieur et la recherche" et servira d'appui pour proposer "une mise en œuvre politique et les moyens budgétaires nécessaires", détaille Najat Vallaud-Belkacem. Il permettra aussi de coordonner les stratégies de l'enseignement supérieur et de la recherche et de "leur redonner de la cohérence". À huit mois de l'élection présidentielle, le Parti socialiste aussi prépare son programme...