Départ Jussieu, arrivée au ministère de l'Enseignement supérieur. Environ 900 manifestants, de source syndicale, ont battu le pavé pour s'élever contre les difficultés que rencontrent les enseignants-chercheurs, les chercheurs et les personnels administratifs, en raison de "l'austérité imposée à l'enseignement supérieur et la recherche". L'appel avait été lancé par une intersyndicale de l'enseignement supérieur et la recherche (1).
Salaire, carrière et statut des enseignants-chercheurs
"Nous sommes inquiets pour les salaires et les carrières, confie Marc Neveu, co-secrétaire général su Snesup. Qui accepterait de faire entre huit et dix ans d'études, pour commencer à 1,4 SMIC ? Les difficultés budgétaires des universités impactent aussi très gravement sur les formations et les conditions de travail des personnels, très dégradées au quotidien."
Le responsable dénonce également la persistance du décret sur le statut des enseignants-chercheurs, sans modification aucune. "Avec l'austérité, la modulation des services, à la hausse pour les heures d'enseignement, va s'imposer dans de nombreuses universités comme solution pour économiser. Ce qui reviendra à demander aux enseignants-chercheurs de faire des heures en plus, mais gratuitement. C'est encore rare mais il existe déjà des cas d'enseignants qui font deux services, et cela ne peut que se développer étant donnée la situation dramatique des établissements", s'alarme-t-il.
Précarité et manque d'investissement dans la recherche
"Nous protestons aussi contre l'austérité dans la recherche publique, explique Philippe Quirion, chercheur CNRS en économie. Il y a de moins en moins de postes aux concours pour les jeunes chercheurs, qui sont obligés de rester dans la précarité, alors que l'on fait un immense cadeau fiscal aux entreprises, inefficace, avec le CIR (Crédit impôt recherche)."
"On nous dit que le budget de l'enseignement supérieur et la recherche est moins touché que les autres... Mais la question, c'est l'investissement pour l'avenir !, renchérit Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS (Syndicat national des chercheurs scientifiques). Car au-delà de nos conditions de travail très fortement dégradées, nous ne cessons de perdre de l'emploi scientifique, et nous allons le payer dans dix ans."
Pour Camille, étudiant en master à l'EHESS, la loi Fioraso, "prolongement de la loi LRU", menace enfin les formations universitaires. "Avec la rationalisation des formations et les difficultés financières des universités, des formations vont disparaitre, alors que la diversité constitue une richesse, surtout en sciences humaines. Avec les communautés aussi, cela va s'aggraver, avec des fusions de formations forcées", estime-t-il.
Nous ne cessons de perdre de l'emploi scientifique, et nous allons le payer dans dix ans (P.Monfort, SNCS)
Et les profs de prépas ?
"Les classes prépas soutiennent tous leurs collègues", peut-on également lire aussi sur une affichette d'un manifestant. Que pensent les enseignants-chercheurs de cette mobilisation ? "Nous sommes très contents que les enseignants de CPGE aient un salaire décent. Nous aimerions simplement remettre à plat cette question de manière globale pour tout l'enseignement supérieur", commente Marc Neveu. "Eux, ils ont eu gain de cause, c'est normal ils forment l'élite de la Nation", grince un enseignant...
(1) CGT (SNTRS, INRA, FERC-Sup), FSU (SNESUP, SNCS, SNASUB, SNEP), UNSA (SNPTES, SUP-recherche), Solidaires (SUD-Recherche-EPST, SUD-Education), FO (SNPREES).
- Le billet de Pierre Dubois : Austérité et souffrance au travail