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Deux académies pour un recteur : l'expérimentation normande

Laura Taillandier Publié le
Deux académies pour un recteur : l'expérimentation normande
Jean-Michel Blanquer expérimente une rationnalisation de la carte des académies en commençant par la Normandie. // ©  Denis Allard / R.E.A
Première dans l'Éducation nationale : deux académies, Caen et Rouen, vont être gérées par un même recteur. Cette expérimentation, qui vise à rationaliser la gouvernance académique, pourrait à terme servir de modèle pour revoir l'organisation des rectorats.

C'est la surprise de la rentrée côté gouvernance dans l'enseignement. Après le départ de Nicole Ménager, la rectrice de Rouen, en juillet 2017, le ministère de l'Éducation nationale a décidé de ne pas nommer de remplaçant afin de tester la formule "un recteur pour deux académies". Soit une "véritable région académique" en Normandie.

Actuellement, se superposent deux cartes : la première avec 30 académies, pilotées chacune par un recteur et la seconde avec 17 régions académiques. Lorsque ces dernières comportent plusieurs académies, sont nommés à la tête de ces entités territoriales des "super recteurs", soit neuf au total. 

"Nous avons hérité d'une situation très 'hybride', très 'intermédiaire' et nous devons en tirer les conséquences [...]. Il est normal que nous regardions dans quelle mesure on peut aboutir à de véritables régions académiques dans les temps à venir", souligne Jean-Michel Blanquer dans "Acteurs publics". "Nous allons donc le faire en engageant les travaux et la réflexion dans quelques régions expérimentales", explique-t-il. L'objectif visé est de rationaliser, à terme, la carte des académies.

Quelle organisation ?

Le premier test a donc lieu en Normandie. C'est l'actuel recteur de Caen et également recteur de la région académique, Denis Rolland, qui devrait prendre ce nouveau rôle. Le ministère de l'Éducation nationale travaille actuellement au cadrage de cette expérimentation pour un démarrage imminent. Un texte réglementaire – probablement un décret – devrait instaurer cette possibilité pour un recteur d'être à la tête de deux académies. Et ce sera l'occasion peut-être de préciser le nouveau fonctionnement de la chaîne hiérarchique.

Une mission regroupant les grands corps de l'État, notamment les inspections générales, devrait être chargée d'évaluer cette expérimentation. "À la suite des conclusions de la mission début 2018, une concertation sera menée pour travailler sur l’évolution de l’organisation territoriale de l’Éducation nationale", précise l'Unsa-Éducation. Pour l'instant, "le ministère nous assure que les deux académies seront conservées et que les affectations de moyens pour 2018 seront fléchées par académie", précise l'organisation syndicale, reçue par le cabinet du ministre, début septembre.

"Cela va permettre notamment, dans un premier temps, d'avoir un seul interlocuteur au niveau de l'Éducation nationale face au président de région et des différents partenaires", ajoute Frédéric Marchand, le secrétaire national de l'Unsa-Éducation qui suit ce dossier. Et éventuellement d'avoir "une direction collégiale apaisée", note Jean-Marc Boeuf, le secrétaire général d'A&I-Unsa.

Quelles conséquences ?

Pour A&I-Unsa, cette expérimentation agit toutefois comme "un détonateur". "Derrière cette apparente simplicité, se cache en effet beaucoup de possibilités d'expérimentation [...]. Il ne faut pas oublier que les décrets actuels sur la gouvernance académique permettent beaucoup : fusion de services, regroupements, missions transversales…, décrypte le syndicat. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'essentiel de la réorganisation des académies peut se faire à droit constant."

"Deux scénarios sont possibles, observe Sylvain Berthaud, responsable local du Sgen-CFDT. Aller localement à terme vers une fusion de ces deux académies qui comptent cinq départements – ce qui ne paraît pas extraordinaire. Ou autre hypothèse : ne garder qu'un seul recteur par région académique sans pour autant décider de fusionner les académies lorsque les effectifs concernés sont trop importants ou que le territoire est trop vaste."

Dans les rectorats, de nombreuses questions

De son côté, le rectorat de Rouen se dit dans l'attente de précisions officielles et souligne que le service de la formation professionnelle initiale et continue est déjà mutualisé avec l'académie de Caen. C'est le secrétaire général de l'académie de Rouen, Mostefa Fliou, qui assure l'intérim depuis le départ de Nicole Ménager.  "Nous sommes inquiets car le recteur de Caen ne pourra pas être partout. Sans faire de procès d'intention, va-t-il pouvoir assurer le minimum de dialogue social ?", interroge Thierry Patinaux, secrétaire régional de l'Unsa-Éducation.

Dans les services des rectorats, l'heure est aux questionnements. "Les personnels se demandent s'il va y avoir des fusions de services, s'ils vont devoir changer de service. Cette réorganisation va poser plein de questions auxquelles il va falloir répondre", poursuit Thierry Patinaux. "On sent du côté des administrateurs des rectorats une certaine tracasserie. Cette expérimentation va mettre un peu de désordre ou peut-être de confusion dans la chaîne hiérarchique. Les habitudes de travail ne sont pas les mêmes dans les académies et le rapport de proximité avec le recteur va être modifié", note Sylvain Berthaud, du Sgen-CFDT. Jean-Michel Blanquer avait pourtant prévu dès son investiture que l'"expérimentation" aurait un rôle décisif pendant son mandat. 

Laura Taillandier | Publié le