Elles sont 206 mais leur nombre ne va cesser de diminuer. Depuis plusieurs années, les écoles d'ingénieurs françaises se réorganisent, fusionnent, s'associent pour créer des établissements de plus grande taille. Après une année 2015 marquée par le rapprochement de Centrale et de Supélec, 2016 verra naître Sigma Clermont-Ferrand, suite au mariage de l'IFMA (Institut français de mécanique avancée) et de l'ENSCCF (École nationale supérieure de chimie de Clermont-Ferrand).
En 2017, ce sera au tour de l'École des mines de Nantes et de Télécom Bretagne de ne former plus qu'une seule école. Le nom du futur ensemble devrait être dévoilé en février 2016. Un an plus tard, Centrale Lille fusionnera avec l'ENSAIT et Chimie Lille.
"Le site lillois est en forte restructuration, constate Emmanuel Duflos, directeur de Centrale Lille. Regroupement de HEI-ISA-ISEN, projet de rapprochement entre Télécom Lille et les Mines de Douai... Les établissements travaillent à leur visibilité et à leur lisibilité. Pour exister dans la compétition mondiale, ils doivent atteindre une nouvelle masse critique. Et cela passe par des alliances." Les trois écoles lilloises représenteront à elles trois 2.500 élèves, quand Sigma regroupera 850 étudiants.
"La reconfiguration du paysage de l'enseignement supérieur amène forcément les établissements à se poser des questions de rapprochement, concède Sophie Commereuc, administratrice provisoire de Sigma. Ces projets doivent être cohérents, répondre à un vrai besoin. En ce qui nous concerne, la création de Sigma a reçu l'adhésion de toutes nos parties prenantes et de nos partenaires industriels. Car il faut bien avoir en tête qu'une fusion demande beaucoup de travail et mobilise aussi un certain budget, pour accompagner l'effort de communication et faire converger nos services informatiques."
L'association, antichambre de la fusion
Longue, coûteuse à court terme et difficile à faire accepter aux parties prenantes – au premier rang desquels les anciens –, la fusion peut effrayer certains établissements, préférant alors opter pour des méthodes plus douces, que certains qualifieront de tièdes.
Après avoir un temps envisagé de fusionner l'École polytechnique et l'ENSTA ParisTech, la tutelle des deux écoles (le ministère de la Défense) a finalement privilégié l'association. C'est également la solution choisie par l'École centrale Lyon et l'ENI Saint-Étienne. En juillet 2015, les établissements ont signé une convention d'association, transformant la Stéphanoise en école de spécialités de la Lyonnaise. À terme, l'ENI devrait changer de nom et proposer des formations technologiques de niveau bac + 3 à bac + 5.
"Aujourd'hui, il est indispensable d'élargir l'offre pour être concurrentiels face aux grands établissements européens, concède Franck Debouck, directeur de Centrale Lyon. Et les formations technologiques sont une voie à privilégier. Ce n'est pas un hasard si le MIT ou CalTech portent le terme technologie dans leur nom..." Ce modèle est en discussion au sein du groupe des écoles centrales et a vocation à être dupliqué.
Les petites écoles vouées à disparaître ?
Dans cette recherche de la masse critique, les écoles de petite taille sont tout naturellement les plus concernées par le phénomène des regroupements. Alors que l'Insa Lyon ou Arts et Métiers ParisTech diplôment chacune plus de 1.000 ingénieurs par an, d'autres ont des promotions d'à peine quarante élèves.
En juillet 2015, la revue de dépenses des écoles publiques d'ingénieurs, réalisée par le CGEFI (Contrôle général économique et financier) pour le compte de Bercy posait de façon décomplexée la question de la pérennité de ces établissements. "Pour ces écoles, un problème de moyens existe, que ce soit en termes de qualité de l'environnement de la vie étudiante ou encore d'excellence pédagogique de la formation", soulignait le texte.
Parmi la dizaine d'écoles pointées du doigt – affichant un budget annuel inférieur à 15 millions d'euros –, quasiment toutes sont d'ores et déjà impliquées dans un projet de regroupement, qu'il s'agisse d'une fusion ou d'un rattachement à un réseau national.
Pour exister dans la compétition mondiale, les écoles d'ingénieurs doivent atteindre une nouvelle masse critique. Et cela passe par des alliances.
(E. Duflos)
À la recherche d'un réseau puissant
Le rattachement à un réseau national fort, à la marque puissante pourrait être la planche de salut pour bon nombre d'établissements, alors même que la politique de site est devenue la norme avec l'entrée en vigueur de la loi ESR en juillet 2013.
"Le paysage de l'enseignement supérieur évolue, avec des regroupements administratifs sur un même territoire, mais les écoles doivent préserver leur particularité. Et les réseaux thématiques offrent cette possibilité", argumente Pierre Llopiz, directeur de l'École nationale supérieure de chimie de Mulhouse. Déjà membre de la Fédération Gay-Lussac, l'établissement a rejoint le groupe Insa en qualité de partenaire au printemps 2015. "Le réseau est clairement un intermédiaire entre la fusion et l'isolement. L'Insa nous offre la puissance de frappe de sa marque, en France comme à l'international."
Autre réseau influent, l'Institut Mines-Télécom, qui regroupe 10 établissements et 13 écoles associées, poursuit sa montée en puissance avec l'intégration, en 2017, des écoles des Mines, qui deviendront, comme les Télécom, des entités internes à l'IMT. Le groupe des Écoles centrales vient aussi de se doter d'une gouvernance resserrée, pour porter de façon plus efficiente ses projets structurants.
Le réseau Polytech, quant à lui, s'apprête à accueillir un 14e membre, l'Esstin, dans les prochains mois. "La croissance du réseau fait partie des sujets à l'étude, explique Laurent Foulloy, coordinateur du réseau Polytech. Mais ces évolutions doivent se faire de façon raisonnée : comment faire grossir le réseau tout en conservant la dynamique de groupe et les valeurs qui nous unissent ? C'est une vraie question..."
En juin 2015, dans un rapport consacré à l'avenir de l'École polytechnique, Bernard Attali prônait la création d'une École polytechnique de Paris.
L'objectif ? Créer une superstructure, regroupant dix écoles scientifiques (École polytechnique, CentraleSupélec, Mines ParisTech, l'École des ponts ParisTech, l'Ensta ParisTech, Télécom ParisTech, l'Ensae ParisTech, AgroParisTech, l'Institut d'Optique Graduate School et l'ENS Cachan) et intégrée au sein de l'Université Paris-Saclay.
Après plusieurs mois de débat, la solution, en passe d'être validée par le ministère de la Défense, s'appelle désormais Alliance. À défaut de fusion, l'entité – dont les statuts sont encore en discussion – prendrait la forme d'un regroupement.
Le projet sera dévoilé le 15 décembre 2015, lors d'un conseil d'administration élargi de l'École polytechnique.
Notre palmarès concerne 164 écoles d'ingénieurs délivrant le diplôme d'ingénieur et habilitées par la Commission des titres d'ingénieur (CTI). Elles recrutent après le bac pour cinq ans ou après prépa ou bac + 2 pour trois ans.
Toutes ces écoles ont répondu durant l'été 2015 à un questionnaire envoyé par l'Etudiant. Les questions portaient sur l'année universitaire 2014-2015 et sur la rentrée 2015 pour les effectifs. Jusqu'en novembre, nous avons vérifié, actualisé, recoupé les informations communiquées par les établissements.
Cette enquête nous a permis d'établir une quarantaine d'indicateurs classants. Pour chaque indicateur, les écoles sont classées en trois groupes décroissants (vert foncé, vert clair, jaune) selon leur valeur relative, auxquels sont respectivement attribués des points, de 3 (pour les groupes les plus forts) à 1 (pour les groupes les plus faibles).
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