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Coorpacademy, la formation continue en mode start-up

Sophie Blitman Publié le
Coorpacademy, la formation continue en mode start-up
Coorpacademy développe des Mooc pour les entreprises // ©  RGA / R.E.A
Renouveler la formation continue en concevant des Mooc sur mesure pour les entreprises : tel est le pari de Jean-Marc Tassetto, ancien directeur général de Google France et cofondateur de Coorpacademy. Dans le domaine des EdTech, la start-up est pour l’instant l’une des rares dans l’Hexagone à avoir levé plusieurs millions d’euros.

Jean-Marc Tassetto, co-fondateur de Coorpacademy.

Nous nous positionnons comme faisant partie du mouvement EdTech : nous souhaitons que nos interlocuteurs nous voient comme une entreprise technologique qui déploie des programmes de formation innovants. Nous nous proposons de délivrer une expérience d'apprentissage à la fois engageante, amusante et efficace.

Mais il faut garder à l'esprit que la révolution EdTech est d’abord pédagogique, elle est née sur les campus : dans les universités américaines de Stanford et Harvard et au MIT, un peu en Europe, où l'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) compte 800.000 étudiants en ligne, mais aussi en Asie, autour notamment de l'université Tianjin, et en Afrique, où l'enjeu de la formation à distance est important. Ce mouvement universitaire a donné une impulsion et, avec mes deux cofondateurs, Arnauld Mitre et Frédérick Bénichou, nous avons décidé de le "translater" dans le monde de l'entreprise que nous connaissons bien.

Vous avez créé Coorpacademy en 2013 et, un an et demi plus tard, la start-up parvient à lever 3,2 millions d'euros. Un fait assez rare en France pour être souligné. Comment expliquez-vous un succès aussi rapide ?

Les nombreux articles sur les Mooc ont ouvert beaucoup de portes et ont préparé les esprits au niveau individuel. Parallèlement, l’un des enjeux essentiels pour les entreprises est d’effectuer leur transformation digitale, avec des contraintes économiques fortes et un objectif d'accessibilité important puisqu’il s’agit de déployer des programmes pour leurs salariés aux quatre coins du monde. C'est cet alignement des planètes qui nous a été favorable.

Dans ce contexte, nous avons voulu relancer le sujet de l'e-learning par l'expérience de l'usager. C'est pourquoi nous avons développé une plateforme propriétaire, au lieu de nous appuyer sur les plateformes opensource disponibles sur le marché, pas assez adaptées à toutes les fonctionnalités que nous voulions mettre en place : un réseau social permettant l’apprentissage collaboratif, la gamification, la pédagogie inversée

Notre deuxième pari a été d'éditer, en août 2013, un Mooc sur la culture digitale, composé de 14 chapitres et 200 vidéos. Plus de 40.000 personnes ont payé pour voir ce cours, certaines entreprises comme Renault ou Pernod Ricard ont été emballées : voilà ce qui a permis d'accélérer la croissance de notre start-up qui propose désormais des Mooc sur mesure pour les entreprises.

Cependant, nous n'en sommes, en France, qu'au tout début de la révolution EdTech. Concernant les levées de fonds, nous sommes satisfaits de ce premier tour de table qui nous a permis d’internaliser nos activités en recrutant des développeurs et des chefs de projet. Mais l'écart est de 1 à 10 avec les levées de fonds aux États-Unis !

Nous ne sommes pas un portail de Mooc, notre objectif est d'apporter des solutions à l'entreprise.

Comment travaillez-vous avec les entreprises ?

Souvent, la demande vient de l'entreprise qui souhaite former ses salariés sur un sujet, la force de vente. Notre méthodologie consiste à mettre nos experts en ingénierie pédagogique en face de ceux de l'entreprise qui, eux, connaissent le sujet sur le fond : on ne trouvera pas meilleur expert sur l’énergie que chez GDF Suez !

Notre rôle est de scénariser le contenu à partir des savoirs et des compétences qui sont dans l’entreprise. Nous produisons alors un Mooc aux couleurs de celle-ci : que l’hébergement se fasse sur l’intranet ou sur un site de destination, l’environnement professionnel reste le même. C’est aussi en cela que nous nous distinguons d’une plateforme comme Coursera : nous ne sommes pas un portail de Mooc, notre objectif est d’apporter des solutions à l’entreprise.

Entre le moment où le sujet est identifié et la finalisation du Mooc, le travail de conception dure environ quatre mois. La fourchette de prix s’échelonne entre 50.000 et 150.000 euros, sur le modèle d’une licence annuelle. Sachant que nos rédacteurs rafraîchissent tous les ans 20% à 30% du contenu d’un Mooc.

Combien de Mooc avez-vous produit jusqu’ici et pour qui ?

Nous devrions en compter une vingtaine fin avril 2015, répartis entre dix grands groupes. Pour nous, le premier indicateur positif est que nos clients ont décidé de s’engager sur une deuxième année, en élargissant les sujets de formation.

Nous avons commencé à travailler avec de très grandes entreprises en Suisse et en France, parmi lesquelles SFR, la Société Générale, Schneider Electric et la FFF (Fédération française de football), mais l’enjeu est de nous développer à l’international, et également de toucher les PME et TPE. Les fonds qui soutiennent notre start-up, NextStage et Debiopharm Investment, ont la capacité à nous accompagner dans ce développement sur le long terme.

Côté effectifs, Coorpacademy rassemble aujourd’hui 20 personnes : 5 à l’EPFL, où nous menons une activité de recherche en lien avec le Centre pour l'éducation à l'ère digitale du professeur Pierre Dillenbourg, et 15 dans notre antenne à Paris. D’ici à fin 2015, nous aurons créé une quarantaine d’emplois dans la capitale française.

Comment vous situez-vous par rapport aux écoles et universités, qui entendent aussi développer leurs activités de formation continue ?

Face aux enjeux de mutation auxquels sont confrontées les entreprises, les besoins de formation continue sont tels que le marché peut accueillir différents acteurs. C’est ma conviction et je ne vois pas de concurrence avec les écoles et universités. Au contraire, je crois davantage à une complémentarité avec elles, notamment sous l’angle de la certification ou de la remise de diplôme. Nous avons quelques projets en ce sens, qui devraient avoir abouti d’ici à la fin de l’année.

Sophie Blitman | Publié le