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Daniel Filâtre (recteur de Grenoble) : "Nous utilisons les trois outils mis à notre disposition : la fusion, la communauté d’universités et l’association"

Isabelle Dautresme Publié le
Daniel Filâtre (recteur de Grenoble) : "Nous utilisons les trois outils mis à notre disposition : la fusion, la communauté d’universités et l’association"
Daniel Filâtre // DR // © 
Ancien conseiller formation, orientation et insertion de la ministre Geneviève Fioraso, président du comité de suivi des Espé et de la formation depuis octobre 2013, Daniel Filâtre a été nommé recteur de l'académie de Grenoble en juillet de la même année. Formation des enseignants, lutte contre le décrochage scolaire, diffusion du numérique… Le nouveau recteur expose à EducPros ses priorités pour l'académie grenobloise.

Vous venez de prendre la tête de l’académie de Grenoble. Quelles en sont les spécificités ?

Ce qui m’a marqué à mon arrivée, c’est le dynamisme de l’académie, en particulier dans le domaine scientifique. L’enseignement supérieur y est très ouvert sur le monde économique. Universités, centres de recherche (CEA, CNRS) et entreprises travaillent ensemble.

Quels sont les points faibles de l’académie ?

Malgré d’excellents résultats au bac – Grenoble se situe avec Rennes et Nantes parmi les meilleures académies – de nombreux jeunes sortent du système scolaire sans qualification, ce qui est inacceptable. Je ne m’explique pas encore bien les raisons d’un tel décrochage, ce que je sais, en revanche, c’est que nous ne pourrons lutter contre celui-ci que si nous mettons en place une école réellement inclusive telle que celle prévue par la loi : plus de maîtres que de classes, suppression du redoublement au primaire…

Les trois universités grenobloises (Stendhal, Pierre-Mendès-France et Joseph-Fourier) ont annoncé leur intention de fusionner. Quel regard portez-vous sur cette reconfiguration du paysage ?

Les universités envisagent de constituer une communauté composée des trois universités fusionnées ainsi que de l’INPG et du CNRS. La question se pose de la place qu’occuperont l’université de Savoie et, dans une moindre mesure, l’IEP. Nous ne savons pas encore ce que ces deux établissements vont décider : devenir membre fondateur de la communauté ou simple membre associé. Les discussions devront porter sur les compétences transférées à la communauté.

Quoiqu’il en soit, en tant que recteur, je ne peux que me réjouir que les universités grenobloises aient parfaitement intégré l’esprit de la loi. La preuve, elles utilisent les trois outils mis à leur disposition, à savoir, la fusion, la communauté d’universités et l’association.

L’Espé  (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) de Grenoble n’est habilitée à délivrer le master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) que pour un an. Un paradoxe alors que vous-même présidez un comité de suivi des Espé ! Quelles sont les raisons de cette habilitation restreinte ?

Tout d’abord, il nous a manqué du temps. Ce n’est pas si simple de mettre d’accord universités, UFR et ex-IUFM. Par ailleurs, à Grenoble, il existe un réel fossé entre l’universitaire et le scolaire. Ces deux mondes ont beaucoup de mal à travailler ensemble. Or, la loi ESR l’exige. L’enseignement disciplinaire ne peut plus être séparé du pédagogique.

Ici, le modèle qui prévaut est encore celui que l’enseignant doit d’abord obtenir un haut niveau de connaissance académique, avant d’apprendre à transmettre. À l’université de préparer les enseignants jusqu’au concours ; au secondaire d’assurer la formation professionnelle !

A Grenoble, il existe un réel fossé entre l’universitaire et le scolaire. Ces deux mondes ont beaucoup de mal à travailler ensemble

Comment allez-vous faire pour rapprocher ces deux mondes ?

Mon objectif est que l’université et l’enseignement scolaire se connaissent mieux. Les responsables de master MEEF doivent aller dans les établissements scolaires assister à des cours et rencontrer les équipes pédagogiques et, réciproquement, les acteurs de l’école doivent se rendre dans les universités.

J’ai demandé à ce que soient constitués des binômes composés d’un responsable de master MEEF et d’un référent (IPR, IEN) côté scolaire, cela devrait faciliter le travail en concertation et une meilleure prise en compte des spécificités de chacun.

La loi ESR prévoit la fixation de quotas de bacheliers pro et techno dans les filières d'IUT et de BTS. Où en êtes-vous ?

Les premiers résultats des analyses APB (Admission post bac) laissent apparaître qu’un tiers des lycéens professionnels qui souhaitent poursuivre des études dans l’enseignement supérieur n’ont pas trouvé de place en BTS ou IUT. Il faut absolument revoir cela ! On sait très bien que si ces élèves se retrouvent à l’université, la probabilité qu’ils échouent est très élevée.

Les directeurs de BTS et IUT grenoblois ont tendance à préférer les jeunes bacheliers de la voie générale. Je vais donc fixer, en concertation avec eux, des quotas pour les bacheliers professionnels et technologiques avant Noël. Je souhaite également que l’on réfléchisse à l’accueil de ces bacheliers dans ces filières de façon à leur garantir une plus grande réussite. En la matière, les marges de manœuvre sont importantes.

Nous allons fixer des quotas pour les bacheliers professionnels et technologiques avant Noël

Quels sont vos autres projets pour les mois à venir ?

Le numérique ! C’est un formidable intégrateur de l’activité pédagogique. Or, notre académie s’est jusqu’alors moins intéressée à la pédagogie qu’au résultat. Le numérique va nous aider à adopter une démarche exactement inverse.

Vous avez été le "monsieur formation" de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Est-ce un atout pour diriger une académie ?

Mon expérience professionnelle me permet aujourd’hui d’avoir une vision plus large, plus riche et plus stratégique du métier de recteur. Les personnes que je rencontre dans les écoles, les collèges, les universités sont en quête de sens sur les lois, qu’il s’agisse de celles de l’école ou de celle de l’enseignement supérieur.

De par les fonctions que j’ai occupées auprès de Geneviève Fioraso, je suis particulièrement bien placé pour donner lecture à nos équipes de ces lois et faciliter leur mise en œuvre locale.

Isabelle Dautresme | Publié le