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Franck Loureiro : "Les personnels de l’enseignement supérieur sont très déçus par François Hollande"

Camille Stromboni - Mis à jour le
Franck Loureiro : "Les personnels de l’enseignement supérieur sont très déçus par François Hollande"
Pour Franck Loureiro, si la loi "Fioraso" a permis de faire progresser la représentation des personnels dans la gouvernance des universités, elle n'est pas allée assez loin. // ©  Sgen-CFDT
Le secrétaire national du Sgen-CFDT, en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche, tire un bilan mitigé de la loi ESR, à l'occasion du colloque de son syndicat les 4 et 5 février 2016. Franck Loureiro pointe la déception des personnels, après l'espoir suscité par les promesses de François Hollande.

Pourquoi avoir organisé ce colloque, intitulé "Enseignement supérieur et recherche : un enjeu de société, un enjeu pour la CFDT" ?

Nous souhaitions faire le bilan de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de l’été 2013. Cela fait près de trois ans qu’elle a été promulguée, et nous sommes à un an des élections présidentielles. Il s’agit d’examiner ce qu’est devenue cette loi et de faire remonter les prochaines revendications que nous porterons auprès des candidats à la présidentielle 2017.

Quelles sont les avancées et les faiblesses de la loi ESR, trois ans plus tard ?

Il faut noter les progrès dans la gouvernance des établissements. Les personnels et les étudiants sont mieux représentés, dans les conseils centraux notamment. C’est encore loin d’être parfait, mais nous partions de très loin. Les Comue (Communauté d’universités et établissements), qui ont succédé aux PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur), vont aussi dans le sens d’une meilleure représentation des personnels.

En revanche, la loi n’est pas allée assez loin concernant le conseil académique, qui aurait dû devenir une véritable deuxième chambre, comme le Sénat. On continue, dans beaucoup d’établissements, à fonctionner de manière conflictuelle, avec une majorité et une opposition, sans qu’une gouvernance collégiale ne soit encouragée.

Les tensions peuvent être très fortes entre les équipes de direction et les personnels. Sinon, le désintérêt est de plus en plus marqué chez les personnels, avec une abstention qui augmente, parce qu'ils ont le sentiment que de toute façon, leur point de vue ne sera pas entendu.

La réussite en licence fait partie des grands objectifs de cette loi. Pour l’instant, les taux de réussite à l’université ne progressent pas…

C’est un échec, qui s’explique par l’absence d’une loi de programmation financière pour accompagner la loi ESR. Les établissements ne peuvent se passer de moyens supplémentaires pour se consacrer véritablement à cette question. Or, la situation des universités est de plus en plus tendue, et elles ont même tendance à supprimer les dispositifs d’aide à la réussite.

Par exemple, le système Sympa, pour la répartition des moyens entre les établissements, ne s’intéresse qu’au nombre d’étudiants défavorisés inscrits, sans jamais prendre en compte leur taux de réussite en licence. La réforme de ce modèle, bloquée jusqu’ici par les présidents d'université, doit revenir sur la table des discussions.

De même que la répartition des moyens entre filières de l’enseignement supérieur — prépas, fac, écoles... – est très inégale aujourd'hui, au détriment de l'université.

Au-delà des questions financières, il est nécessaire de former les enseignants-chercheurs. Aujourd’hui, quand on devient enseignant-chercheur, on n’a jamais appris à enseigner ! Nous proposons que, lors de la première année de stage des maîtres de conférences, il n’y ait qu’une moitié du service à effectuer, l’autre devant être consacrée à une formation aux missions d’enseignement, dans les Espé.

Aujourd’hui, quand on devient enseignant-chercheur, on n’a jamais appris à enseigner !

Dans quel état d'esprit se trouvent les personnels de l'enseignement supérieur, après bientôt quatre ans de mandat de François Hollande ?

Il y avait beaucoup d’espoir en 2012. Les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche – d’une manière assez proche du reste de la population, je pense – sont aujourd'hui très déçus.

Prenons le cas du rééquilibrage entre le financement sur projet et le financement récurrent de la recherche, promis par François Hollande. Il n'a pas eu lieu. Alors qu'en parallèle, les taux de sélection des projets de l’ANR (Agence nationale de la recherche) sont en chute libre et les territoires continuent à être mis dans une concurrence avec les Idex (Initiative d'excellence). Cela crée des frustrations toujours plus fortes chez les collègues.

La déception est la même par rapport aux 1.000 emplois créés chaque année. Une grande partie est gelée par les établissements qui n’ont pas les moyens suffisants sinon pour fonctionner, avec, en parallèle, une arrivée massive de nouveaux étudiants. Beaucoup d’universités ont augmenté la taille des TD (travaux dirigés) et diminué le volume horaire des formations. La précarité des personnels ne diminue pas, malgré le dispositif Sauvadet, au contraire. Globalement, les conditions de travail ne cessent de se dégrader.

"Enseignement supérieur et recherche : un enjeu de société, un enjeu pour la CFDT"
Suivez en direct les débats du colloque des 4 et 5 février 2016 du Sgen-CFDT.
Camille Stromboni | - Mis à jour le