Vous avez été nommée secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Comment accueillez-vous ce changement de périmètre ?
Ce n’est pas une immense surprise, le président François Hollande m’avait en effet témoigné sa confiance la semaine dernière. Le périmètre est le même. D’autres ont vécu une évolution similaire avant moi, comme Hubert Curien sur la Recherche, successivement ministre et secrétaire d'Etat. Toutes les configurations sont possibles, mais ce qui compte, c’est le contenu.
J’ai déjà un bilan dont je suis satisfaite, et surtout qui correspond à la feuille de route fixée par le président de la République. Nous avons amélioré la loi LRU [Libertés et responsabilités des universités] sans la supprimer, fait progresser les conditions de vie des étudiants, rétabli l’Etat stratège, développé les regroupements universitaires et les stratégies de site, renforcé l’encadrement des stages, défendu une stratégie nationale de la recherche…
Trois lois sont passées devant le Parlement : sur l'enseignement supérieur et la recherche, sur l'autorisation encadrée de la recherche sur les cellules souches et sur les stages, le tout sans faire trop de bruit. C’est une action déjà conséquente en moins de deux ans. Cette nouvelle phase va être consacrée à la mise en place de toutes ces mesures, avec beaucoup de travail de terrain et de dialogue.
Je ne lis aucune proposition dans ce texte, hormis le soutien à une candidature autre que la mienne à ce secrétariat d’Etat
Une pétition a recueilli plus de 8.000 signatures en faveur d’un changement de politique de l’ESR. Quelle réponse apportez-vous à cette partie de la communauté universitaire qui a exprimé sa déception ?
J’ai regardé tout d’abord le nombre de signataires de ce texte : ils représentent environ 1,5% de la population active de la communauté des organismes de recherche et des universités.
Sur le fond, ces derniers demandent la suppression de la loi LRU, avec un retour des crédits entre les mains de l’Etat, ainsi qu’une redistribution du CIR [Crédit d'impôt recherche] aux universités, le tout en revendiquant plus de liberté et en dénonçant un Etat trop présent… Je respecte toutes les opinions, mais je vois surtout de nombreuses contradictions dans cette pétition d’universitaires.
Je ne lis d’ailleurs aucune proposition dans ce texte, hormis le soutien à une candidature autre que la mienne à ce secrétariat d’Etat, dans un gouvernement dont ils contestent pourtant l’action. Ce qui m'intéresse, ce sont les propositions, et je suis ouverte à la discussion. Mes priorités restent la réussite de tous les étudiants et le développement de la recherche. D'ailleurs, les mots "étudiant" ou "réussite étudiante" sont totalement absents de cette pétition…
Attention aux politiques de primes pour tous dans les universités ou aux nombreux masters avec moins de quinze étudiants
Les pétitionnaires se sont inquiétés de la faillite financière des universités, comme d'une quasi-fatalité… L’ESR bénéficie-t-il des moyens suffisants ?
Il faut tout de même rappeler que nous avons eu une augmentation cumulée du budget de l’ESR de 2,9% depuis mon arrivée ! Nous sommes le seul ministère, avec l’Education nationale, à avoir bénéficié d’une telle progression. Dans ce contexte, c’est un signe fort, même si des moyens supplémentaires sont toujours les bienvenus. Mais je suis solidaire du contexte et des efforts collectifs à faire.
Ensuite, je suis tout à fait consciente que les universités rencontrent des difficultés car elles ont été mal accompagnées dans leur passage à l’autonomie par les précédents gouvernements.
Je ne dis pas que la situation est facile, mais nous arrivons peu à peu à redresser la barre. Plusieurs universités, qui étaient en grande difficulté il y a deux ans, vont désormais beaucoup mieux grâce aux plans de redressement mis en œuvre et à l’accompagnement de l’Etat. Mais la responsabilité est souvent partagée : attention aux politiques de primes pour tous qui ont pu être développées dans les universités, ou aux nombreux masters avec moins de quinze étudiants, sans mutualisation.
L’exercice des budgets 2013 n’est pas encore bouclé, mais on peut noter le retour à l’équilibre prévu pour Paris 13, Le Havre, l’UPMC, Angers. Et hormis Versailles, il n’y a aucune tutelle rectorale, contrairement à ce que certains ont pu prétendre.
Nous faisons l’inverse de la politique de Valérie Pécresse, qui poussait à la fusion à marche forcée
Les 1.000 créations de postes annuelles restent-elles d’actualité ?
Le Premier ministre a annoncé une loi de finances rectificatives en juin pour le budget 2014. Dans ce cadre, je défendrai évidemment le maintien de ces postes.
Espérez-vous avoir plus de poids dans les arbitrages budgétaires, grâce à l’appui de Benoît Hamon, vu comme l’un des poids lourds du gouvernement ?
J’ai l’impression d’avoir eu beaucoup de poids jusqu’ici, il n'y a qu'à regarder la courbe de progression de notre budget. Mais ensemble, on est toujours plus fort.
L’ESR appartient désormais au même ministère que l’Education nationale. Que pensez-vous de ce regroupement ?
Cela va être une très bonne chose pour nos dossiers communs comme l’orientation choisie et non subie, la formation des enseignants dans les Espé (Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation) à l’université, les stages, le numérique. Comme Benoît Hamon, la question de la lutte contre les inégalités est l’une de mes priorités. Je souhaite que davantage de jeunes issus des milieux populaires rejoignent l’enseignement supérieur. Nos mesures en direction des bacheliers professionnels et technologiques vont dans ce sens, de même que le développement de la connaissance des formations et des métiers chez les lycéens.
Nous défendons la réussite des étudiants, de tous les étudiants, également avec l’augmentation des bourses ou le chantier sur le numérique et les pédagogies nouvelles. Je suis ravie de travailler avec Benoît Hamon sur ces questions.
Des "assouplissements" ont été évoqués, notamment pour les rythmes scolaires. Qu’en est-il dans l’enseignement supérieur, sur la politique actuelle de regroupements entre établissements ?
Nous faisons l’inverse de la politique de Valérie Pécresse, qui poussait à la fusion à marche forcée. Avec la loi ESR, tout est possible : la fusion, mais aussi la fédération et l’association. A condition qu’il y ait un chef de file identifié.
Personne n’a donc jamais contraint qui que ce soit à fusionner, nous sommes ouverts à toutes les stratégies de partenariats, pour atteindre une trentaine de sites.
Il y aura peut-être simplement des aménagements sur les délais, si cela est nécessaire, mais tout le monde s’est déjà mis autour de la table pour mieux organiser et définir une stratégie de site, à une exception parisienne près. L’université est en mouvement, c’était nécessaire !
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