Avant d'être élu président en mars 2016, vous avez d'abord été étudiant à l'UBO, puis enseignant, doyen de l'UFR de lettres et sciences humaines, et premier vice-président aux côtés de Pascal Olivard. Ce parcours vous donne-t-il une vision particulière de cet établissement ?
Au-delà de l'affectif, j'ai le sentiment qu'il existe à l'UBO un particularisme qui va dans le bon sens aujourd'hui. Quand j'étais étudiant, l'université était dans la ville mais pas vraiment connectée à elle. C'était une enclave. Depuis les années 1990, l'université s'ouvre sur son territoire, et c'est ce mouvement que j'aimerais amplifier. La dynamique de l'UBO est également marquée par une bonne collaboration entre les différents établissements autour de nous, qu'il s'agisse de l'Enib, l'Ensta ou de Télécom Bretagne. Tout le monde essaie de jouer collectif, nous devons faire fructifier cette richesse.
En même temps, notre situation géographique fait qu'il est parfois difficile d'être un peu éloigné des centres de décision nationaux, mais aussi régionaux. Il faut parler fort pour se faire entendre, comme l'a rappelé Pascal Olivard en me tendant un mégaphone lors de la passation de pouvoir. C'est un clin d'œil mais qui souligne un trait commun à tous les présidents de l'UBO.
Vous avez néanmoins une particularité puisque, contrairement à vos prédécesseurs, vous n'êtes ni professeur ni maître de conférences, mais agrégé du secondaire. C'est une première, y compris au niveau national. Qu'est-ce que cela change ?
J'ai la chance de travailler avec des collègues qui voient en moi d'abord le président de l'université, comme ils voyaient auparavant le premier vice-président ou le doyen. Je ne brandis pas le fait d'être Prag, ni comme un handicap, ni comme une marque de prestige. Il faut bien un premier mais je ne fais pas de prosélytisme, c'est pour moi le signe d'une maturité du débat à l'UBO car pendant la campagne, nous avons beaucoup plus parlé des projets que de mon statut, c'est cela qui importe.
Un recours au tribunal administratif a tout de même été déposé par votre adversaire dans ces élections, Pascal Gente.
L'article 712 du Code de l'éducation est assez complexe. Parmi les qualités requises pour être président d'université, une expression mentionne "tout autre personnel assimilé". On pourrait souhaiter que la formulation soit plus claire, d'autant qu'il n'y a pas de jurisprudence en la matière. Après avoir pris conseil auprès de spécialistes, mon interprétation est que la fonction est ouverte à tous les enseignants affectés à l'université.
Pour l'instant, le recours suspension a été rejeté d'emblée par le tribunal administratif. L'UBO est attaquée et nous travaillons sur le mémoire en défense. La procédure ira au rythme de la justice. Mais je suis serein. Je ne me serais pas lancé dans six mois de campagne si je n'avais pas un degré de certitude assez fort que je pouvais présider l'université.
Pendant la campagne, nous avons beaucoup plus parlé des projets que de mon statut de Prag.
Quelle est votre priorité désormais ?
Bien entrer dans la Comue Bretagne-Loire : il est essentiel que l'UBO y trouve toute sa place, notamment au niveau des axes de recherche. Nous avons des forces à faire valoir, en sciences de la mer bien sûr, mais aussi dans le domaine des TIC (technologies de l'information et de la communication) et des SHS (sciences humaines et sociales). Les partenariats de recherche que nous avons au niveau breton mériteraient d'être élargis à l'échelle régionale, ce qui permettrait peut-être de décrocher plus d'ERC (financement du Conseil européen de la recherche) ou de répondre de manière plus structurée aux appels à projets de l'ANR (Agence nationale de la recherche).
L'UBO peut aussi être complémentaire des autres établissements sur le plan de la formation. Nous avons assez peu de masters coaccrédités, or il s'agit d'un potentiel important à développer, par exemple en santé avec Nantes et Angers, ou en SHS avec Rennes 2 et Nantes. Et ce, même si le calendrier des Investissements d'avenir est contradictoire avec les projets d'Isite.
L’Institut universitaire européen de la mer - université de Bretagne occidentale // © Communication UBO
Et d'un point de vue financier, comment s'annonce votre mandat ?
Sur un budget de 185 millions d'euros en 2016, il en manque 4 du fait de la non-compensation par l'État du GVT [glissement vieillesse technicité – évolution de la masse salariale en raison des progressions de carrière des fonctionnaires, notamment, ndlr]. Jusqu'ici, nous avions réalisé des économies sur notre fonctionnement mais cette fois, nous risquons fort de devoir geler des postes pour compenser le GVT – ce qu'à l'UBO, nous n'avions jamais eu à faire.
En effet, nous avons peu de marges de manœuvre en termes de ressources propres car la dynamique de la formation continue et de l'alternance est déjà forte. Cela nous rapporte aujourd'hui plus de 7 millions d'euros. Il reste encore quelques gisements mais pas beaucoup, d'où notre inquiétude.
Je regrette aussi que l'État ne s'engage pas au-delà d'une année budgétaire. J'espère qu'un jour nous pourrons avoir une vision pluriannuelle du financement de l'enseignement supérieur, mais cette espérance est déçue depuis plusieurs années…
Cette tension budgétaire peut-elle aussi vous conduire à fermer des formations ?
En tant qu'établissement de la vague B, nous sommes en train de reprendre notre carte de formation. Nous nous attachons notamment à repenser notre offre de masters dans un souci de cohérence, afin de la rendre plus visible au-delà de la Bretagne. Cela nous conduira peut-être à mettre en sommeil certaines formations. A priori, la raison de fond de cette refonte est la dispersion de notre offre, mais il n'est pas impossible que nous devions aussi l'envisager aussi d'un point de vue économique.
J'espère qu'un jour nous pourrons avoir une vision pluriannuelle du financement de l'enseignement supérieur.
Comme d'autres universités, vous êtes par ailleurs confronté à une hausse des effectifs étudiants. Comment comptez-vous gérer cette problématique démographique ?
En 2015, nous avons eu une augmentation des primo-entrants de 6 %, et pour la rentrée 2016, les estimations actuelles indiquent que le nombre de vœux 1 sur APB (Admission postbac) s'accroît de 10 % en L1. La filière Staps est concernée mais il semblerait que la mise en place de vœux groupés en Bretagne permettrait une gestion équilibrée entre les différentes universités, du moins pour cette année. En revanche, la tension perdure en biologie, et elle renaît en psychologie, alors qu'elle avait un peu diminué ces dernières années.
Nous savons qu'il n'y aura pas de moyens supplémentaires, et nous n'avons pas demandé de capacité d'accueil ailleurs qu'en Staps. Nous allons donc procéder à un redéploiement temporaire des moyens pour faire face à cette situation : des arbitrages sur des postes vacants peuvent permettre d'apporter un soutien aux filières les plus en tension, mais les marges de manœuvre sont faibles car aucune filière n'est sur-encadrée.
Outre les question de budget, votre campagne a mis l'accent sur le rôle social de l'université. Quelles actions entendez-vous mener à ce niveau ?
L'objectif est de renforcer la place de l'université sur son territoire, de la rendre plus visible dans la ville. Grâce au Crous, nous avons quelques moyens : dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt, nous avons reçu 600.000 euros pour monter une pépinière de solidarité étudiante, qui accompagnera les projets visant à ouvrir davantage la vie de campus sur les quartiers environnants.
Une enquête avait été réalisée en 2012-2013 sur l'impact économique de l'université sur son territoire. Mon intention est de lancer une étude similaire sur le rôle social de l'université, qui analyse quelles dynamiques des cours publics, des initiatives étudiantes ou des jardins partagés peuvent avoir sur le territoire.