Vous souhaitez abroger la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) et restituer à l'État la gestion de la masse salariale des fonctionnaires. Et pour le reste des missions des universités ?
La loi LRU a engendré un système bancal. Il a encore été renforcé par la loi Fioraso de 2013. Ces deux lois introduisent une fausse autonomie, qui a pour seul effet de renforcer les baronnies. Du recrutement des professeurs aux diplômes, en passant par le traitement des enseignants-chercheurs, l'université doit rester nationale. Il en va de l'égalité républicaine.
Cependant, cela n'empêche pas une petite dose de déconcentration. Les universités pourraient, par exemple, se voir confier la gestion d'une subvention dédiée à leur fonctionnement, ou d'une enveloppe complémentaire dédiée aux recrutements.
Vous envisagez le principe de bourses au mérite, sur concours, pour les jeunes issus de milieux modestes. Que se passera-t-il pour ceux qui ne réussissent pas le concours. Seront-ils privés d'études supérieures ?
Non, bien sûr ! Ces bourses au mérite n'ont pas vocation à remplacer les bourses sur critères sociaux, mais à les compléter. Les bourses au mérite, accessibles sur concours, pourraient constituer une aide supplémentaire pour des étudiants qui ont un projet d'études qu'ils n'ont pas les moyens de financer entièrement. Qu'ils soient issus de milieux socialement défavorisés ou de classes moyennes.
C'est pourquoi, il serait possible de cumuler les deux. Au total, je prévois 40 millions d'euros par an pour développer ces bourses. Le but, c'est de renouer avec la méritocratie républicaine et de relancer l'ascenseur social !
Car l'enseignement supérieur doit rester accessible. Il faut qu'il y ait un petit droit d'entrée, certes, mais pas d'augmentation importante des frais de scolarité comme certaines universités publiques envisagent aujourd'hui de le faire.
Vous voulez interdire le tirage au sort ou toute forme de sélection à l'entrée de l'université. Comment faire pour assurer des bonnes conditions d'études dans les filières en tension ?
Le tirage au sort est inacceptable et antirépublicain. Il brise injustement des vocations. Il faut investir davantage dans l'enseignement supérieur, et en particulier dans l'université afin d'améliorer les conditions d'accueil des étudiants. Il faut aussi faire comprendre aux élèves, en amont, que certaines formations offrent aujourd'hui peu de débouchés.
Je suis opposé à la sélection à l'entrée de l'université qui risquerait de brider des vocations. On a le droit d'être moyen dans certaines matières en terminale, et de se révéler ensuite dans le supérieur lorsqu'on a trouvé sa voie.
En revanche, les deux premières années de licence à l'université doivent donner lieu à une forme de sélection progressive. Cela passe par un doublement des heures de cours et un encadrement drastique des redoublements, de manière à ce que les étudiants qui n'ont pas le niveau puissent arrêter suffisamment tôt.
Je suis opposé à la sélection à l'entrée de l'université, qui risquerait de brider des vocations.
À combien comptez-vous limiter le nombre de redoublements ? Et que se passera-t-il pour les étudiants qui auront atteint la limite ? Seront-ils aiguillés vers d'autres filières, et si oui, lesquelles ?
Il ne faudra pas dépasser deux redoublements sur un cycle de trois ans. Quant aux étudiants qui échouent, ils feront autre chose ! En parallèle, il est important de renforcer l'accompagnement des étudiants au cours des deux premières années d'université.
Aujourd'hui, entre la terminale et la fac, les jeunes passent de la pataugeoire au grand bain. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'une partie d'entre eux se noient !
En amont, il faut améliorer l'orientation, en généralisant, dès le collège, la "troisième des métiers" afin de permettre à certains élèves de faire le choix d'une filière professionnelle. De nombreux élèves, aujourd'hui, n'ont pas leur place dans l'enseignement général. Cela passe naturellement par une revalorisation de l'enseignement professionnel et par la multiplication des passerelles, qui sont l'une comme l'autre dans mon programme présidentiel.
In fine, cela permettra de rehausser le niveau du bac, qui doit être une vraie porte d'entrée vers l'enseignement supérieur.
Entre la terminale et la fac, les jeunes passent de la pataugeoire au grand bain.
Vous réclamez le doublement du nombre d'heures de cours pendant les deux premières années d'université. En quoi ces heures de cours consisteront-elles, et de quelle manière comptez-vous les financer ?
Par un effort historique, je ferai passer le budget de l'ESR de 1,08 % du PIB à 1,30 %. Une partie de cette augmentation sera affectée à ce doublement d'heures dont la gestion et l'organisation seront confiées aux universités, en concertation avec le nouveau ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche que je veux rétablir de plein droit et muscler. L'augmentation des heures de cours sera variable selon les filières, qui sont inégalement concernées par l'absentéisme et l'échec en première année.
Vous refusez le principe de recrutement "hors examen unique" dans les grandes écoles. Dans la mesure où, aujourd'hui, la majorité des étudiants des grandes écoles sont recrutés via les admissions parallèles, pensez-vous qu'un quota en prépa sera suffisant pour garantir une vraie égalité des chances ?
On parle de choses différentes. Je n'ai rien contre des voies d'entrée différenciées selon le parcours de l'étudiant, qui sont des passerelles. De même que je suis favorable à des systèmes d'aide ou d'accompagnement pour les élèves issus de ZEP ou de zones rurales, tant qu'au final ils passent le même concours.
Par un effort historique, je ferai passer le budget de l'ESR de 1,08 % du PIB à 1,30 %.
Mais je dis non aux procédures dérogatoires telles que les conventions ZEP mises en place par Science po Paris. C'est une atteinte à l'égalité républicaine. Le meilleur moyen de faire bouger les lignes, c'est de multiplier les bourses, les internats...
En réalité, le mode de recrutement que vous dénoncez n'a jamais dépassé Science po…
Si, il a été appliqué dans d'autres grandes écoles, même si c'est Sciences po Paris qui en est devenu l'emblème. Par-delà les statistiques affichées, car le sujet est hautement politique – on fait dire ce que l'on veut aux chiffres –, la procédure est un échec.
De quelle manière entendez-vous revaloriser les carrières des chercheurs ? Qui paiera ?
L'État. Une partie de la hausse du budget de l'ESR servira à mieux payer nos enseignants-chercheurs. Aujourd'hui, on forme d'excellents professionnels qui sont ensuite débauchés aux États-Unis. Les enseignants-chercheurs français, écrasés de paperasse et sous-payés, sont démoralisés, comme le montrent plusieurs études indépendantes. Je veux leur redonner le moral et ramener en France ceux qui sont partis.
Vous critiquez les Comue existantes et préconisez la création d'associations d'établissements "de taille plus raisonnable" ? Quel est l'intérêt de créer des associations si elles n'ont pas la taille critique pour être visibles dans les classements internationaux ?
Beaucoup de ces classements internationaux, tels que le fameux classement de Shanghai, ne veulent pas dire grand-chose car ils partent de standards anglo-saxons ou extra-européens et valorisent les critères de certaines disciplines au détriment d'autres.
Que certains champions soient dans cette logique de regroupement, pourquoi pas… mais l'imposer à tout le monde, c'est absurde. À force de mariages forcés, on est en train de créer des monstres. Ce n'est pas en additionnant des choux et des carottes qu'on fait de bonnes soupes... Regrouper des universités de sciences dures et de sciences humaines et sociales amène peu ! Les économies d'échelle conduisent en revanche à des suppressions de postes. Tous les personnels qui ont été confrontés à la création de ces mastodontes vous le confirmeront.
Votre programme appelle beaucoup d'"investissements". À combien avez-vous chiffré vos propositions ? Et comment comptez-vous les financer ?
Comme je vous le disais, c'est un effort sans précédent que je veux réaliser dans le secteur de l'ESR qui est évidemment déterminant pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays. Nous finançons cette hausse grâce à une partie de l'argent récupéré en luttant contre la fraude fiscale.
Il faut enfin adopter une approche systémique : dans les matières scientifiques, il est possible d'autofinancer partiellement la recherche par un circuit de transfert technologique de brevets de qualité vers des start-up prêtes à les mettre en application avec versement de royalties à l'exploitation.
Nicolas Dupont-Aignan : "Je suis opposé à la sélection à l'entrée de l'université"