De nombreuses entreprises de l'économie numérique sont nées à Stanford (Google, Netflix, Yahoo etc.). Comment votre université encourage-t-elle l'innovation ?
Nous essayons d'attirer les meilleurs étudiants et ceux qui veulent changer le monde. Ensuite, nous veillons à ce qu'ils disposent des ressources dont ils ont besoin pour le faire. Mais il ne faut pas oublier le facteur de sérendipité. Quand Larry [Page] et Sergey [Brin] ont commencé à travailler sur ce qui deviendrait Google, ils ne travaillaient pas sur un moteur de recherche mais sur une bibliothèque numérique. Ils étaient jeunes et créatifs et ils ont pensé qu'ils pouvaient faire mieux que ce qui existait à l'époque. C'est cet esprit-là que nous voulons cultiver.
Cette volonté d'essayer de toujours innover et en mieux est un réflexe que nous essayons d'inculquer à nos élèves. La prise de risque, l'esprit pionnier sont des qualités valorisées à Stanford. On ne peut pas changer le monde juste en publiant une étude. Il faut confronter ses idées avec les autres.
L'idée qui prime à Stanford est plutôt de savoir comment on peut transférer une technologie dans le monde extérieur. Ce modèle joue un rôle essentiel et donne envie aux gens d'être le prochain Larry Page. Notre mission est de favoriser cet environnement très créatif.
En 2012, vous aviez prédit un tsunami pour l’enseignement supérieur avec l’arrivée des Mooc. Quatre ans plus tard, qu’en pensez-vous ?
Nous avons compris quelque chose de vraiment important au sujet des Mooc : il est très difficile de construire un cours pour des milliers d'étudiants n'ayant pas les mêmes acquis et le même parcours. Si vous regardez les retours des étudiants sur les Mooc, ils sont partagés. Pour certains, le cours va trop vite, pour d'autres, il est trop dur, ou trop simple ou encore trop lent. Le résultat est qu'il y a un taux d'abandon très élevé.
Les Mooc ne fonctionnent pas comme prévu initialement. Mais il y a des alternatives qui sont tout à fait prometteuses dans toutes les disciplines. La classe inversée en est une, les Spoc [small private online courses] fonctionnent bien avec des étudiants qui ont le même type de parcours. Je pense que la demande pour ce genre de modèle va clairement augmenter.
On ne peut pas changer le monde juste en publiant une étude.
À quoi ressembleront les universités en 2030 ?
Je pense que les meilleures universités offriront encore beaucoup de possibilités aux étudiants. Aller à la fac est une expérience d'apprentissage qui est complètement différente de celle d'apprendre chez soi, seul, devant son ordinateur. L'apprentissage sera probablement plus expérimental et orienté vers les problèmes et les projets. Selon moi, les classes inversées se multiplieront et pourront se substituer au cours magistral classique.
Il y aura une plus grande variété dans la façon d'obtenir son diplôme. L'apprentissage tout au long de la vie se généralisera. Je m'interroge en revanche sur les propositions les plus radicales qui ont été proposées, comme les allers-retours entre la fac et l'emploi ou les expériences à l'étranger. C'est plus difficile à prévoir. Il existe des liens sociaux entre les étudiants et ils sont très réticents à briser ces relations et ces amitiés...
Les progrès les plus attendus concernent le machine learning [ou adaptive learning], adapté à l'apprentissage en ligne. Le processus d'apprentissage n'est pas simple et monolithique. Certains étudiants apprennent mieux avec un manuel, d'autres avec des vidéos et d'autres encore dans un cours classique. Imaginez un cours en ligne qui vous guide et vous aide dans votre apprentissage quand vous butez sur une difficulté. Une machine qui analyse et diagnostique votre façon d'apprendre.
Le facteur de la motivation humaine est une autre clé. L'apprentissage en ligne marche mieux pour les professionnels qui sont concentrés et qui savent exactement ce dont ils ont besoin. L'apprentissage en ligne ne fonctionne pas pour les étudiants en difficulté. Pourquoi ? Parce qu'ils ont besoin d'une motivation personnelle et humaine. Ils ont besoin de rencontre humaine. Les technologies servent à amplifier ce que fait l'enseignant, pas à le remplacer...
Stanford a annoncé en février 2016 la création d'une bourse dotée de 750 millions de dollars – soit 680 millions d'euros – pour former une nouvelle génération de leaders mondiaux. Dès l'automne 2018, la bourse sera ouverte aux étudiants du monde entier. Un tiers d'entre eux seront Américains et deux tiers étrangers. Une centaine de boursiers seront accueillis chaque année à Stanford. Le programme sera ouvert à tous les profils : écoles de commerce, médecine, droit, ingénierie, sciences, sciences humaines et sociales.
L'université américaine veut recruter des "étudiants à la fois brillants sur un plan académique, qui montrent des compétences en leadership et qui se sont démarqués par leurs engagements civiques". Pour les choisir, les établissements d'enseignement supérieur de premier cycle seront mis à contribution. Les étudiants pourront être admis jusqu'à cinq ans après avoir terminé leurs études de premier cycle et recevront trois ans d'aide financière et de frais de subsistance.