Cette année, le ministère a pris la décision de traiter de la même manière, dans APB [Admission postbac], les étudiants en réorientation et les néo-bacheliers. Qu’est-ce que cela va changer par rapport à l'an dernier ?
Pas grand-chose. Actuellement, les étudiants en réorientation souhaitant rester dans le même établissement ne passent pas par APB et sont directement pris en charge par les services de leur université. Cela continuera d'être le cas, le plus souvent, cette année.
Néanmoins, c'est une nouveauté, les établissements auront le choix cette année entre faire traiter ces réorientations internes par leurs services - lorsqu'il existe des processus d'accompagnement – ou passer par APB. Dans ce cas, les étudiants en réorientation interne seront sur un pied d'égalité avec les néo-bacheliers.
L'autre changement concerne les étudiants en réorientation souhaitant s'inscrire en licence dans une autre université. Pour la première fois, ces derniers seront également traités comme des néo-bacheliers alors qu'auparavant les bacheliers de l'année étaient prioritaires. Mais ces réorientations vers des licences sont marginales : la très grande majorité des étudiants changeant d'établissement tente d'intégrer des filières sélectives (BTS, DUT...).
Tout de même, cela ne risque-t-il pas d’accroître le nombre de tirages au sort dans les formations en tension (droit, Paces, psychologie, Staps) ? En 2016, 76 filières ont été concernées...
Non. Nous avons augmenté les moyens des universités de 100 millions d’euros pour faire face à l’afflux des nouveaux étudiants. Parallèlement, la semaine prochaine, une réunion avec les recteurs aura lieu afin qu’ils veillent à ce que les capacités d’accueil augmentent dans les filières en tension.
L’an dernier, nous avons réussi à diminué de 60 % le nombre de filières en tension ; nous avons l’intention de continuer sur cette tendance. J’ai la volonté, même si je ne serai pas comptable de la prochaine rentrée, de faire disparaître le tirage au sort à l'université.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
C’est très simple : il faut augmenter les moyens des universités pour accroître les capacités d’accueil, tout en mettant en place une orientation plus fine.
Est-il pertinent d’augmenter toujours plus les capacités d’accueil dans des filières où les débouchés ne sont pas extensibles ?
Je ne suis pas pour une augmentation massive et sans limite des capacités d’accueil, qui reviendrait à dire aux étudiants : "Pas de problème, inscrivez-vous où vous le souhaitez." Je ne veux pas qu’ils se bercent d’illusions.
C’est pour cela que l’augmentation de ces capacités doit aller de pair avec une orientation plus fine.
Comment fonctionnerait cette orientation renforcée ? Êtes-vous, par exemple, favorable à ce que le niveau de priorité des bacheliers soit fonction de leur filière au lycée, comme le demande la CPU [Conférence des présidents d'université] ?
C’est aux acteurs de construire cette orientation renforcée mais il faut sortir d’une approche binaire qui consiste à dire : soit on augmente les capacités d’accueil, soit on sélectionne.
Les universités ont développé des expérimentations très innovantes qui permettent d’appréhender le sujet sous un angle différent. À Saint-Étienne, où je me suis rendu la semaine dernière, l’université propose aux bacheliers technologiques et professionnels souhaitant s’inscrire en Staps une année préparatoire, avec un taux de succès incroyable. Il faut également développer les passerelles entre les Staps et d’autres disciplines.
L’an dernier, les bacheliers d’Île-de-France souhaitant s’inscrire en Paces [première année commune aux études de santé) ont failli être tirés au sort. Avec l'ajout des étudiants en réorientation venus d'autres universités, le tirage au sort n’est-il pas inéluctable cette année ?
Je ne le pense pas. Encore une fois, les réorientations d’une université vers une autre sont très limitées. L'échec en Paces est par ailleurs un problème que nous essayons de traiter de manière plus globale via les nombreuses expérimentations qui ont été lancées.
On ne peut pas me demander de sécuriser juridiquement tous les dossiers qui traînent depuis quinze ans, du master au tirage au sort.
Vous dites vouloir faire disparaître le tirage au sort. Pourquoi le ministère a-t-il alors mis à l’ordre du jour du Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) un projet d’arrêté légalisant ce même tirage au sort ?
Nous avions une demande récurrente de sécuriser juridiquement le fonctionnement actuel du tirage au sort. Ce projet de texte ne faisait qu’acter ce qui se passe déjà, aujourd’hui, sur le terrain.
Finalement, ce projet d'arrêté a été retiré, parce qu’il n’y avait pas de consensus. Qui plus est, il ne nous semble pas que la légalisation du tirage au sort soit une bonne manière de faire.
Avez-vous l’intention de remettre ce projet d’arrêté à l’ordre du jour du Cneser d’ici à la fin du quinquennat ?
Non.
Les recours administratifs ne risquent-ils pas de se multiplier ?
C’est en effet une possibilité, mais on ne peut pas me demander de sécuriser juridiquement tous les dossiers qui traînent depuis quinze ans, de l'accès au master au tirage au sort à l'entrée de l'université.