Aéronautique, biotechnologies, informatique... Les 26 CMI (Cursus master en ingénierie) ouverts par 11 universités à la rentrée 2012 couvrent déjà l'ensemble des champs de l'ingénierie et cela devrait continuer. "Nous avons rejeté deux dossiers l'année dernière, mais 19 nouvelles candidatures nous sont parvenues pour la rentrée 2013, dont 16 sont d'ores et déjà présélectionnées. En outre, trois universités – Brest, Cergy-Pontoise et Strasbourg – viennent de rejoindre le réseau Figure, qui en compte désormais 14", précise Patrick Porcheron, vice-président du réseau Figure, à l'origine des CMI et qui les développe.
Avec des promotions d'environ 20 élèves par CMI – 25 au maximum par principe -, le nombre d'inscrits atteint environ 500 au plan national et pourrait donc rapidement approcher le millier d'étudiants.
Quant aux droits d'inscription, "ils sont fixés au niveau des masters professionnels", à environ 250 euros par an dès le M1. Soit la moitié des tarifs des écoles d'ingénieurs publiques, voire moins.
La CPU met en place une commission spécifique
Alors que les CMI vont souffler leur première bougie, la CPU a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps en créant une commission spécialement dédiée. Elle compte une quinzaine de présidents, qui mènent cette démarche en parallèle du réseau Figure.
Objectif : "Porter au niveau de la stratégie des établissements l'innovation que représentent les CMI, alors qu'aujourd'hui ces formations se développent essentiellement au sein des composantes par les enseignants-chercheurs", explique François Germinet, président de l'université de Cergy-Pontoise, à la tête de cette commission.
Un groupe de travail qui entend "construire un dialogue avec le réseau national Figure". Premiers objets de discussion : le positionnement interne des CMI, les passerelles possibles avec les CPGE et IUT. Au programme également : l'extension de ces masters aux SHS dans les domaines de la finance, de l'économie, de la logistique et du transport, et du développement durable.
CMI et diplômes d'ingénieurs : des référentiels trop proches ?
Autre point épineux abordé par cette commission : le lien aux écoles d'ingénieurs. Une problématique qui est en fait plus large : comment définir les CMI vis-à-vis des diplômes d'ingénieurs ? Compléments ou concurrents ? Un dilemme au centre des réactions de responsables d'écoles d'ingénieurs et de la CTI qu'avait suscité, dès les premières annonces il y a deux ans, le projet de création de ces nouveaux masters.
Des objurgations à peine tempérées aujourd'hui. Pour le président de la CDEFI (Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs) Christian Lerminiaux, qui indique que les échanges sont au point mort avec la CPU sur ce sujet, "il est essentiel de différencier le référentiel des deux diplômes, sinon les CMI continueront de poser un problème de lisibilité aux formations en ingénierie, et in fine de légitimité". Une analyse convergente avec celle de Philippe Massé, président de la CTI (Commission des titres d'ingénieurs), estimant que ce label pourrait en outre "dévaloriser les autres masters professionnels : que penseront les recruteurs d'un étudiant qui aurait été évincé d'un CMI, qui fonctionne sur une sélection progressive ?".
En réponse à ces critiques, François Germinet souligne que "le rythme de formation et donc de confrontation aux trois dimensions importantes des CMI - recherche, professionalisation, international - est très différent". Ces nouveaux cursus participeraient également de l'égalité des chances des étudiants face aux études en ingénierie, "l'approche moins compétitive, qui permet notamment d'éviter le parcours en CPGE, pourra intéresser un public plus large de candidats, en particulier, un public plus féminin", analyse Frédérique Weixler, inspectrice d'académie et directrice de projet à l'Onisep, partenaire du réseau Figure.
Il est essentiel de différencier le référentiel des deux diplômes, sinon les CMI continueront de poser un problème de lisibilité aux formations en ingénierie, et in fine de légitimité. (C. Lerminiaux)
Hiatus avec les écoles d'ingénieurs internes des universités
Il reste que la place des CMI au sein des facultés scientifiques reste un problème patent pour Philippe Massé : la confusion devient "extrême quand on sait que la grande majorité des universités scientifiques ont créé une école d'ingénieurs interne".
Christian Lerminiaux soulève, quant à lui, des "querelles de clocher et de gouvernance" entre les présidences des universités et leurs composantes. Mais, pour François Germinet, la création des CMI "n'est pas une question de rapport de forces ou de pouvoir, même si certains le voient ainsi". En fait, "les facultés forment [déjà] des ingénieurs, à un niveau assez élevé. Il s'agit de reconnaître cela et d'intensifier ce mouvement".
Julien Roitman, président du Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques de France, se dit très prudent vis-à-vis des CMI de par la confusion qu'ils peuvent générer mais apporte un début de réponse à cette équation insoluble : "près de 250.000 ingénieurs en exercice n'ont pas le diplôme d'ingénieur. Il y a une confusion entre l'exercice du métier et les formations qui y conduisent ! Les CMI peuvent néanmoins être intéressants s'ils forment des ingénieurs à forte expertise scientifique, car nous observons un mouvement de grands groupes intéressés par ce type de profil".
Dans ce contexte déjà tendu, la CPU a jeté un nouveau pavé dans la mare, dans le cadre du projet de loi ESR, et veut confier "l'évaluation des formations d'ingénieurs à une autorité d'évaluation de l'enseignement supérieur et de recherche, à créer", confirme Jean-Loup Salzmann. Et donc, retirer cette fonction à la CTI en ce qui concerne les diplômes d'ingénieurs, même si la CPU considère qu'elle doit conserver son rôle d'accréditation. Une idée appréciée par les dirigeants de la CTI...