Faut-il transformer radicalement ses enseignements pour s'adapter à la nouvelle génération d'étudiants, ces étudiants-crocodiles ?
Battons en brèche quelques idées reçues. La transformation n'est pas nécessairement radicale et systématique. Ne cherchez pas à révolutionner vos méthodes pédagogiques, allez-y petit à petit, en gardant en tête cet objectif : améliorer l'expérience apprenante des étudiants. De plus, il est possible de transformer ses cours sans mobiliser le numérique.
Mais si vous vous plaigniez de la passivité des étudiants, de leur côté consommateur, essayez de les faire travailler en groupe, de demander des rendus de nature différente, pouvant mobiliser des outils numériques. Par exemple, au lieu d'un mémoire écrit, ils pourraient réaliser un scrapbook avec un collage de photos, vidéos et textes.
Les étudiants en master 1 de Carole Blaringhem, enseignante en droit à l'université catholique de Lille, ont présenté des notions juridiques dans une émission de radio et sur un plateau de télévision. Des étudiants en bio-informatique à l'université Paris-Diderot ont imprimé des protéines en 3D, afin de mieux comprendre les effets des médicaments. À l'heure de l'ouverture de nouveaux espaces d'apprentissage (learning center, fablab), les possibilités sont multiples.
#Rentreesapiens D. Berthiaume, "Pourquoi transformer ses enseignements ?" Certains étudiants manquent d'autonomie. pic.twitter.com/Jm0Ekehmi5
— SAPIENS-USPC (@SapiensUspc) 8 septembre 2016
Comment mieux apprendre aux étudiants ?
Un ou plusieurs leviers peuvent être actionnés. Pensez à l'apprentissage par problèmes. On peut soumettre un cas clinique à des groupes d'étudiant en médecine qui seront accompagnés par un tuteur. Autre levier : expérimenter la classe inversée sans s'imaginer que cela résolve, miraculeusement, le manque d'implication des étudiants.
Demander aux étudiants de regarder des vidéos avant le cours n'assure pas qu'ils le fassent ! Du coup, l'impact sur l'apprentissage peut être faible. Il faut trouver des ressorts motivationnels : les questionner pendant le cours et, bien sûr, dire que l'évaluation inclura des questions sur les vidéos. Oui, les vieilles ficelles fonctionnent toujours.
Il est possible de transformer ses cours sans mobiliser le numérique.
Quelles actions mener pour faire évoluer l'institution ?
Souvent portée par des enseignants isolés, la transformation pédagogique dans le supérieur fera tâche d'huile à deux conditions. D'abord, que les directions d'établissement s'y consacrent en priorité. Ensuite, que les maillons intermédiaires soient mobilisés. Il est primordial de travailler avec les directions d'UFR (unités de formation et de recherche) et les responsables de diplôme.
Les cours et leur structuration organisationnelle doivent évoluer ensemble. Comment continuer à penser les heures de cours en CM (cours magistral), TD (travaux dirigés) ou TP (travaux pratiques) quand des enseignants mixent les formules ? Comment imaginer de nouvelles formes d'apprentissage avec le cloisonnement disciplinaire actuel ?
Pour réussir la transformation de l'enseignement dans le supérieur, il ne suffit pas de compter sur des enseignants passionnés d'expérimentation pédagogique, numérique ou pas. Il faut une percolation dans les deux sens, des individus vers les responsables et vice-versa.
Et puis, elle doit s'accompagner d'une réflexion sur la finalité des études à l'université. Quand une enseignante vient me dire qu'elle est déboussolée par "les motivations actuelles des étudiants", je lui demande combien deviendront enseignant-chercheur à leur tour…
Denis Berthiaume est intervenu lors du séminaire de rentrée de Sapiens, le service d'accompagnement pédagogique de l'Université Sorbonne-Paris-Cité.